Les instructions formulées mercredi par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), comme ne pas laisser des bébés devant des écrans, peuvent sembler frappées au coin du bon sens pour la plupart des parents, mais elles suscitent le débat avec des scientifiques.
Plusieurs experts ont en effet dénoncé le fait que ces recommandations étaient basées sur des preuves minces et ont reproché à l'agence de l'ONU d'adopter des définitions trop simplistes d'expressions clés, telle que "temps d'écran sédentaire".
L'OMS a estimé que ces instructions "comblent un manque" dans l'effort global pour promouvoir une vie saine, car cette tranche d'âge n'était pas prise en compte dans les recommandations fixées en 2010 par l'OMS.
Alors que l'obésité représente une menace croissante pour la santé publique et que 80% des adolescents "ne sont pas suffisamment actifs physiquement", l'OMS a jugé nécessaire de dresser une liste de bonnes pratiques pour les enfants de moins de 5 ans -- une période cruciale pour le développement du style de vie.
Bien que reconnaissant que ses "fortes recommandations" ne sont basées que sur "des preuves de très faible qualité", l'agence sanitaire affirme que ses conseils peuvent s'appliquer à tous les petits, quel que soit le genre, l'environnement culturel ou le statut socio-économique.
Pour les bébés de moins de 12 mois, l'OMS recommande au moins 30 minutes d'activité physique par jour, incluant la position sur le ventre pour ceux qui ne peuvent pas encore se déplacer.
Les bébés ne doivent pas être maintenus dans une poussette, sur une chaise haute ou sur le dos de quelqu'un pendant plus d'une heure en continu, et devraient dormir entre 12 et 17 heures quotidiennement, selon l'OMS.
Pour les enfants âgés d'un à deux ans, l'agence conseille trois heures d'activité physique par jour, pas plus d'une heure de "temps d'écran sédentaire" à partir de l'âge de 2 ans et au moins 11 heures de sommeil.
Et pour les enfant de 3 à 4 ans, les trois heures d'activité physique quotidienne doivent inclure au moins une heure de mouvements "modérés à vigoureux". Le temps consacré aux écrans doit là encore ne pas dépasser une heure.
- "Temps d'écran sédentaire" -
"Je me demande comment des instructions globales de politique de la santé publique, qui touchent des millions de familles, peuvent être basées sur 'des preuves de très faible qualité'", a commenté dans une déclaration Kevin McConway, professeur émérite de statistiques appliquées à l'Open University de Grande-Bretagne.
Il a rappelé qu'il était souvent impossible de mener des expériences sur de jeunes enfants, ce qui a conduit l'OMS à s'en tenir à des observations.
Fiona Bull, directrice de programme pour la prévention de maladies non transmissibles à l'OMS, a déclaré lors d'une conférence de presse que les auteurs du rapport avaient totalement confiance dans la justesse des recommandations.
En faisant référence à la faible qualité de la preuve, l'OMS a simplement voulu être "transparente sur le fait qu'il y a encore beaucoup de travaux scientifiques à mener dans de nouveaux domaines importants", a-t-elle expliqué.
"Et puis, qu'est-ce exactement que 'le temps d'écran sédentaire'"? s'est par ailleurs interrogé M. McConway dans sa déclaration.
Andrew Przybylski, directeur de recherche à l'Institut Internet de l'Université d'Oxford, a abondé dans son sens en relevant que "les conclusions tirées concernant les écrans sont en décalage par rapport aux preuves scientifiques de dommage subi".
Il a appelé l'OMS à mener "des études de meilleure qualité" sur ce sujet.
Juana Willumsen, chargée de l'obésité et de l'activité physique des enfants à l'OMS, a expliqué aux journalistes que cette expression faisait référence au "temps d'écran passif" par opposition aux "jeux sur tablette ou aux programmes TV dans lesquels les enfants sont encouragés à bouger".