Il s'agit d'un véritable défi pour le groupe à la pomme, qui a pris mercredi la décision rare d'abaisser sa prévision de chiffre d'affaires trimestriel, son directeur général Tim Cook mettant en cause le ralentissement des ventes d'iPhone en Chine.
"Même si nous anticipions des difficultés dans des marchés émergents importants, nous n'avons pas mesuré l'ampleur de la décélération économique, surtout en Grande Chine", a déclaré Tim Cook à des investisseurs.
La sanction en Bourse a été immédiate. L'action de la firme à la pomme a fini jeudi en baisse de 9,96% à 142,19 dollars, sa plus mauvaise séance depuis janvier 2013. En fin de séance, le titre a reculé jusqu'à 142,00 dollars, son plus bas niveau depuis avril 2017.
Ce plongeon a fait rétrograder le fabricant de l'iPhone au quatrième rang des sociétés américaines en termes de capitalisation boursière, dépassé désormais par Alphabet.
L'action a repris vendredi 4,27% à 148,26 dollars, à la faveur d'un rebond général porté notamment par la perspective de la reprise des négociations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine.
UNE CONCURRENCE FÉROCE
Apple est dans une situation délicate dans un pays important non seulement pour ses ventes mais aussi parce qu'il y fabrique l'essentiel de ses produits qui sont ensuite exportés dans le monde entier.
Le groupe souffre sur le marché chinois du prix élevé de ses smartphones, des concurrents comme Huawei proposant désormais une technologie comparable mais nettement plus abordable, font valoir des analystes.
Le géant californien est victime en outre d'une montée du sentiment patriotique en Chine sur fond de guerre commerciale avec les Etats-Unis, ajoutent-ils.
L'arrestation le mois dernier au Canada de Meng Wanzhou, la directrice financière de son concurrent chinois Huawei Technologies, à la demande des Etats-Unis, a suscité une forte émotion en Chine, où ont été signalés des cas de consommateurs se détournant des produits Apple.
Autre menace, une injonction préliminaire d'un tribunal chinois qui pourrait déboucher sur l'interdiction de la vente en Chine des modèles d'iPhone les plus récents, du 6S au X, dans le cadre de la bataille judiciaire qui oppose Apple à Qualcomm au sujet de la violation présumée par le premier de brevets du second.
Des avocats spécialisés dans la propriété intellectuelle estiment toutefois que cette interdiction mettra un certain temps avant d'être appliquée.
LA PART DE MARCHÉ EN CHUTE LIBRE
"Les temps sont durs pour Apple en Chine", résume Neil Shah, directeur de recherche chez Counterpoint, qui prévient que la part de marché de l'iPhone en Chine pourrait tomber à 7% cette année en raison d'une concurrence de plus en plus féroce.
La part de marché d'Apple en Chine a chuté à 9% fin 2018, contre plus de 14% en 2015, au profit de compétiteurs locaux comme Huawei, Oppo et Vivo.
Un autre point d'interrogation pour Apple en Chine concerne le déploiement du réseau 5G. Le groupe américain ne devrait en effet pas offrir de smartphone 5G en Chine avant 2020, alors que d'autres comme Huawei, Xiaomi ou Samsung Electronics devraient y arriver avant.
La raison en est une différence de stratégie, explique Darryn Lowe, spécialiste de la téléphonie mobile chez Bain & Co. Intégrer la 5G dans un modèle haut de gamme trop tôt présente en effet de risque parce qu'il convient de redessiner les modèles en profondeur, précise-t-il.
Apple n'avait pas souffert de sa décision d'adopter la 4G après certains de ses rivaux. Mais les consommateurs changeaient alors de téléphone environ tous les deux ans. Ils ont aujourd'hui tendance à les conserver plus longtemps, ce qui pourrait les inciter à se porter sur des appareils équipés d'une technologie appelée à durer, explique Glenn Lurie, directeur général de Synchronoss Technologies et ancien responsable de l'activité mobiles chez AT&T.
"Si vous êtes sur une décision d'achat pour 30 mois, le concept d'avoir déjà la 5G installée dans l'appareil est un avantage", dit-il.