Pour la première fois depuis des années, les Allemands sont inquiets sur l`économie nationale

  07 Janvier 2016    Lu: 672
Pour la première fois depuis des années, les Allemands sont inquiets sur l`économie nationale
Selon les estimations l`année 2016 sera la fin des certitudes allemandes sur l`économie du pays.

Pour la première fois depuis des années, les Allemands abordent l`avenir avec inquiétude, alors que l`économie demeure robuste. La conséquence de la menace terroriste et de l`afflux de réfugiés.

C`est l`un des mystères de l`Allemagne d`Angela Merkel. Les crises et les aléas conjoncturels semblent agir sur elle comme l`eau sur le dos du canard : s`ils monopolisent le débat, ils n`ont pas d`effet visible. Ainsi, la chancelière allemande continue de jouir d`une popularité robuste, même si la crise des réfugiés écorne son autorité, et l`économie allemande paraît tout autant imperturbable. Malgré le scandale Volkswagen, un risque de Grexit, le ralentissement de la Chine, les crises ukrainienne et syrienne ou, « last but not least », l`afflux de plus d`un million de réfugiés, elle a crû en 2015 d`environ 1,7 %.

Outre la résistance du made in Germany et une demande intérieure robuste, la politique accommodante de la Banque centrale européenne, aussi impopulaire soit-elle auprès des Allemands, et la chute des prix du pétrole, font leur oeuvre. Jamais le marché de l`emploi n`a été aussi dynamique avec plus de 43 millions d`actifs et un chômage au plus bas.

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A l`aube de la nouvelle année, les risques n`ont cependant pas disparu pour ce pays dont l`économie dépend encore pour moitié de ses exportations. A ceux qui existaient déjà en 2015 se sont ajoutés la menace terroriste après les attentats parisiens, la crise ouverte entre l`Arabie saoudite et l`Iran, le danger d`un Brexit ou d`une fin de l`espace Schengen, si précieux pour une économie ouverte comme celle de l`Allemagne, des tensions européennes exacerbées par la montée des mouvements nationalistes de Varsovie à Paris…

Pour autant, les économistes tablent sur une croissance également proche de 2 % en 2016, même s`ils varient entre 1,3 % (Commerzbank) et 2,3 % (institut IfW de Kiel). Les sociétés, comme Adidas qui va construire une nouvelle usine en Bavière, veulent de nouveau investir. Le moral des ménages profite d`un pouvoir d`achat en hausse grâce aux augmentations de salaires et au nouveau salaire minimum.

La prudence reste toutefois de mise. Ainsi, selon une étude réalisée par l`institut GfK pour la Fondation sur les questions d`avenir, 55 % des Allemands regardent le futur la peur au ventre. Ils étaient 31 % en 2014 et 28 % en 2013. Ulrich Reinhardt, directeur de cette fondation, parle d`un retour de la « German Angst », cette angoisse allemande devenue une expression dans la langue de Shakespeare. Une autre enquête, d`Ipsos, conclut qu`un Allemand sur deux aborde 2016 « avec un grand scepticisme et des sentiments mitigés ». La part des pessimistes a presque doublé, passant de 27 à 50 %. « Pour la première fois depuis des années, la majorité des Allemands abordent l`année plutôt dans la peur que la confiance », souligne la « Süddeutsche Zeitung ».

Outre la menace terroriste, l`afflux de demandeurs d`asile préoccupe les Allemands. A court terme, son impact économique paraît bénéfique. « Les dépenses en faveur des réfugiés vont agir comme un programme conjoncturel massif au cours des deux prochaines années », juge Marcel Fratzscher, directeur de l`institut de conjoncture DIW. Il estime ces dépenses entre 15 et 17 milliards d`euros par an, ce qui représente 0,5 point de croissance. L`institut munichois Ifo évoque pour sa part un coût de l`ordre de 21 milliards, comprenant les aides sociales versées aux demandeurs d`asile, les logements, les cours d`allemand… Cette enveloppe correspond déjà presqu`à celle consacrée aux énergies renouvelables…

Cet effort colossal risque d`entamer deux facteurs clefs qui constituent la force de l`Allemagne : sa stabilité économique et politique. L`équilibre budgétaire affiché en 2014 et 2015 par le ministre des Finances Wolfgang Schäuble semble compromis en 2016, même si ce dernier compte officiellement dessus après avoir mis une cagnotte de côté. Par ailleurs, la baisse quasi continue du chômage depuis 2005, date d`entrée en vigueur des principales réformes de Gerhard Schröder, pourrait s`interrompre cette année avec l`intégration des réfugiés dans les statistiques. Le DIW table de ce fait sur un taux de chômage de 6,5 % en 2016 et 6,8 % en 2017, contre 6,4 % en 2015, selon les statistiques nationales. Une évolution minime mais un retournement de tendance tout de même.
Politiquement, Angela Merkel met l`accent sur les bienfaits que peuvent apporter les réfugiés au pays, dont la main-d`oeuvre est vieillissante, tout en cherchant à réduire leur flot à travers une série de mesures nationales et diplomatiques.

Pour encourager sa population, elle insiste sur les défis qu`a déjà relevés l`Allemagne, à commencer par la Réunification. Jusqu`à présent, malgré une opinion publique de plus en plus préoccupée par le nombre de demandeurs d`asile, la chancelière tient le cap. Mais celle qui était perçue par les Allemands comme un rempart contre les crises extérieures (euro, Ukraine) est maintenant considérée comme un facteur de risque par ceux qui contestent sa politique humaniste, y compris dans son propre camp.

Le premier test de cette politique aura lieu le 13 mars avec des élections régionales dans trois Länder. Alors que le parti populiste Alternative pour l`Allemagne (AfD), moribond avant l`été, grimpe dans les sondages, l`Union chrétienne-démocrate (CDU) d`Angela Merkel est de plus en plus nerveuse. Pour elle, et son partenaire social-démocrate, ces scrutins seront décisifs avant les élections fédérales de septembre 2017. « La grande coalition est stable - est-ce que ce sera aussi le cas à la fin de cette année électorale ? » s`interroge la « Frankfurter Allgemeine Zeitung »

Les points à retenir

Les crises et aléas ne semblent pas avoir d`effets sur la bonne santé de l`Allemagne.
Aux risques existants s`ajoutent pourtant d`autres menaces, extérieures (terrorisme, Brexit, Schengen) ou intérieures (réfugiés).

Ces perspectives plombent le moral des Allemands qui craignent l`affaiblissement de leur stabilité économique et politique.





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