Empêchée de participer au concours de chanson de l'Eurovision organisé l'an dernier en Ukraine, en raison d'un différend entre Kiev et Moscou, la candidate russe Ioulia Samoïlova pourra enfin vivre son rêve cette semaine à Lisbonne.
«Je suis là où je voulais être. Participer à ce concours, c'est un rêve devenu réalité», déclare à l'AFP la jeune femme de 28 ans, qui se déplace en fauteuil roulant depuis son enfance en raison d'une maladie neuro-musculaire.
Il y a un an, la chanteuse avait été interdite d'entrée sur le territoire ukrainien pour avoir donné un concert en Crimée après l'annexion de cette péninsule par la Russie, condamnée par l'Union européenne et les Etats-Unis.
«Bien sûr, j'ai été très énervée quand j'ai appris que je ne pourrai pas participer. Mais quand j'ai su que je pourrai participer l'année suivante, je me suis dit que la vie continuait», se souvient Ioulia Samoïlova, en évitant tout commentaire sur le conflit en cause.
L'affaire avait pourtant marqué l'édition 2017 de l'Eurovision, puisque Moscou avait exprimé sa colère en retirant sa candidature et en décidant de ne pas retransmettre le programme.
Surtout, la Russie a décidé de représenter la même candidate cette année à Lisbonne. Le porte-parole de Vladimir Poutine a rappelé que le président russe avait «beaucoup de sympathie pour elle».
«Vous connaissez cette situation injuste dans laquelle elle s'était retrouvée l'an passé. C'est pourquoi nous sommes très contents qu'elle puisse cette fois-ci montrer son talent au monde entier», a souligné Dmitri Peskov.
«Je ne craquerai pas»
Alexandre Kouchnir, un producteur musical russe interrogé par l'AFP, a estimé que «les principes de la sélection n'ont pas été clairs» et s'est demandé s'il «y a eu une concurrence quelconque». «Ce n'est pas au sein de l'industrie de la musique que la décision a été prise», a-t-il conclu.
Pour l'épilogue de ce feuilleton, la chanteuse originaire d'Ukhta, une petite ville industrielle du nord de la Russie, a dû présenter une chanson différente de celle de 2017 et interprétera à Lisbonne une composition intitulée «I won't break» (Je ne craquerai pas).
Pour le président du fan club russe de l'Eurovision, Anton Samsonov, le titre de sa nouvelle chanson «fait référence à ce qui c'est passé l'an dernier et dénote un certain sarcasme».
Le compositeur israélien Arie Burshtein, co-auteur des deux morceaux, reconnaît avoir eu «le coeur brisé» de ne pas pouvoir se rendre à Kiev et que cela a pesé au moment d'écrire un nouveau morceau pour Ioulia.
«La chanson de cette année est en quelque sorte liée à l'an dernier, mais ce n'est pas une référence directe. Je ne dirais pas que nous avons écrit une chanson de revanche», explique-t-il à l'AFP.
«Juste une coïncidence»
«C'est juste une coïncidence. Ce ne n'est pas uniquement une chanson sur moi», fait valoir la chanteuse, en précisant que son message s'adresse à tous ceux qui se sentiraient «tristes ou déprimés».
«Quand on se sent en confiance et qu'on est convaincu que tout va bien se passer, alors on est capable de supporter tout le reste», détaille la jeune femme au sourire timide et aux longs cheveux blonds tombant sous une casquette, les joues parsemées de paillettes.
Sur la scène lisboète, son fauteuil roulant restera caché grâce à des effets de lumière qui donneront l'impression qu'elle est assise au sommet d'une montagne d'où jailliront des plantes, une cascade d'eau puis des flammes.
«L'idée principale c'est que la vie est capable de se frayer un chemin partout», a précisé le metteur en scène de cette performance, Alexeï Goloubev, cité par le quotidien russe Komsomolskaïa Pravda.
Loin d'être considérée parmi les favoris de cette 63e édition du concours de l'Eurovision, Ioulia Samoïlova prendra part jeudi à la seconde demi-finale et «serait déjà très heureuse d'aller en finale» samedi, admet M. Samsonov, le président du fan club russe.
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