Alors que les aliments et autre produits "diététiques" se sont fait une place de choix dans les supermarchés, quelques petits nouveaux commencent eux aussi à s’installer : les produits sans gluten, autrement dit, les produits ne contenant pas de protéines de blé, de seigle et d’orge. Même les restaurants indiquent de plus en plus sur leurs cartes les plats sans gluten. En théorie, les produits à base d’avoine ne sont pas concernés mais dans la pratique, "l’avoine est très souvent contaminée par du gluten" déplore Magali Lafleur, du Syndicat Français de la Nutrition Spécialisée. Pour pouvoir être étiqueté "sans gluten" et disposé de l’épi barré, le produit concerné doit contenir moins de 20 mg/kg de gluten. C’est le seuil moyen à partir duquel les coeliaques – ou intolérants au gluten – peuvent ressentir les symptômes. "Même s’il existe une variabilité individuelle sur le taux de sensibilité, cette valeur est suffisante et sans effet chez les coeliaques" explique le Pr Christophe Cellier, gastro-entérologue à l’hôpital Georges Pompidou à Paris.
Les symptômes de la maladie coeliaque
D’ailleurs, quels sont les symptômes de la maladie coeliaque ? "C’est bien là l’un des problèmes liés au diagnostic de la maladie coeliaque : de nombreux patients expriment peu ou pas de symptômes. De plus, ces symptômes ne sont pas spécifiques et peuvent tout à fait correspondre à d’autres pathologies digestives plus courantes" déplore le Dr Francis Abramovici, médecin généraliste. Le plus souvent, la maladie coeliaque s’accompagne de fatigue, de douleurs abdominales, de diarrhées chroniques suivies d’un amaigrissement, de pathologies osseuses (ostéoporose) et d’anémie.
En effet, la maladie coeliaque se caractérisant par une inflammation de l’intestin, les villosités de l’intestin grêle sont progressivement détruites : résultat, les vitamines et minéraux vont être plus difficilement absorbés et c’est cette malabsorption qui peut être à l’origine de carences.
Attention néanmoins à ne pas confondre la maladie coeliaque avec l’allergie au gluten (beaucoup plus rare et aux effets immédiats) ou l’hypersensibilité dont les symptômes sont très proches mais qui n’a pas la même origine physiologique.
Le régime sans gluten : pour qui ?
En France, on estime à 600 000 personnes le nombre de coeliaques, soit entre 0,5 et 2 % de la population générale. Comme il existe une vulnérabilité génétique, le fait d’avoir l’un de ses parents malades accroit le risque de l’être aussi. "Mais encore une fois, le problème est qu’une grande proportion de coeliaques n’expriment pas ou peu de symptômes et ne consultent pas : seuls 10 à 20 % d’entre eux sont réellement diagnostiqués" martèle le médecin généraliste.
Le diagnostic de la maladie coeliaque se fait en deux temps : d’abord avec une prise de sang qui dose les anticorps antitransglutaminases de type IgA ainsi que le dosage pondéral des IgA géniques. Et si le test est positif (bien qu’il existe environ 10 % de faux positifs), le patient devra subir une biopsie de l’intestin grêle pour mettre en évidence l’atrophie villositaire. Seulement et alors seulement pourra être posé le diagnostic définitif de la maladie coeliaque.
Et là, le seul traitement existant s’impose alors : le régime sans gluten. "Si le diagnostic n’a pas été posé, mieux vaut ne pas entamer de régime sans gluten, avertit le Pr Christophe Cellier. Car le suivi d’un tel régime est susceptible de fausser les examens : en supprimant le gluten de son alimentation, la réaction immunitaire associée est donc diminuée et l’atrophie villositaire tend elle aussi à disparaitre. Du coup, même si le patient est réellement coeliaque, les examens indiqueront qu’il ne l’est pas : ce sont des faux négatifs".
Le régime sans gluten, véritable phénomène de mode
Mais dans la pratique, même confronté à un patient présentant les symptômes, s’il en a, de la maladie coeliaque, le médecin généraliste peut "avoir du mal à faire le tri avec les troubles digestifs les plus courants" déplore le Dr Francis Abramovici.
Effectivement, d’après un sondage Opinion Way1, tous les médecins généralistes connaissent bien la théorie sur le diagnostic de la maladie coeliaque : 87 % des patients ayant été diagnostiqués l’ont été grâce au dosage sanguin des anticorps et par biopsie de l’intestin grêle. Néanmoins, le nombre de diagnostics reste faible puisque 73 % des médecins interrogés ont déclaré n’avoir eu aucun patient coeliaque au cours de l’année écoulée. D’ailleurs, interrogés sur la prévalence de la maladie, les médecins l’estiment à 1 patient sur 1000 alors qu’elle serait en fait d’1 personne sur 100² !
Ont-ils eu à faire à des patients coeliaques sans s’en apercevoir ? Le hasard a-t-il fait qu’aucun patient coeliaque ne les a consultés ? Impossible de le savoir évidemment mais de l’aveu même du Dr Francis Abramovici "le généraliste ne pense pas forcément à cette maladie". Manque d’information, de formation, de temps… Les raisons du sous-diagnostic paraissent évidentes.
Pour le Dr Francis Abramovici, cela devrait passer par la formation continue des professionnels mais aussi par "une meilleure diffusion de l’information dans la presse médicale spécialisée. Les médecins devraient également plus facilement avoir recours au test sanguin, un examen simple pour aider les patients et les diagnostiquer".
L’intérêt du régime sans gluten
Si le régime sans gluten est le seul et unique traitement des personnes coeliaques, il reste une diète très à la mode et de plus en plus suivie. Existe-il un risque à suivre un régime sans gluten sans indication médicale ? Pour le Pr Christophe Cellier, "hormis le risque de fausser d’éventuelles analyses, non, ce régime n’est absolument pas dangereux pour la santé. Que l’effet bénéfique ressenti par les personnes soit réel ou pas, l’essentiel est qu’elles se sentent bien, n’est-ce pas ?". Néanmoins, attention à ne pas multiplier les régimes restrictifs du même type (sans lactose, sans viande, etc.) sous peine de carences.
Ce régime étant très restrictif, les personnes diagnostiquées coeliaques mais sans symptômes ont-elles un intérêt à suivre une telle diète ? "Evidemment ! répond lePr Christophe Cellier. Car à terme, la maladie coeliaque peut entraîner plusieurs autres maladies plus ou moins graves : déminéralisation osseuse (qui touche 50 % des patients), diabète insulino-résistant, vitiligo, thyroïdite lymphocytaire chronique et plus rarement, un cancer de l’intestin. Même s’il est possible que ces maladies n’apparaissent pas, le risque est bien réel". D’ailleurs, une étude finlandaise3 a suivi pendant deux ans des patients atteints de maladie coeliaque mais n’exprimant pas de symptômes : un premier groupe devait suivre un régime sans gluten et un autre ne rien changer. Résultat, aucun des patients ayant suivi le régime sans gluten ne souhaitait l’arrêter : 85 % d’entre eux souhaitaient le prolonger au-delà de l’étude et 67 % trouvaient que suivre ce régime allait de soi (13 % l’ont trouvé difficile à suivre et 5 % facile). Non seulement ils se sont déclarés en meilleure santé, mais surtout, les analyses elles aussi ont montré une nette amélioration de leurs fonctions digestives. Selon le gastro-entérologue, "les coeliaques avec des symptômes ressentent une nette amélioration 2 à 3 mois après le début du régime. Et sur le long terme, il semble néanmoins que ce régime soit assez difficile à tenir puisqu’environ un patient sur 2 finit par l’abandonner".
Effet positif de la mode du no-glu, il est de plus en plus facile pour les patients coeliaques – et les autres – de se procurer des produits sans gluten mais aussi de se permettre des sorties au restaurant, puisque l’offre no-glu s’étend de plus en plus. (doctissimo.fr)
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