Aux Etats-Unis, le sport déforme la jeunesse

  17 Octobre 2015    Lu: 675
Aux Etats-Unis, le sport déforme la jeunesse
La pratique sportive des jeunes ­Américains est en chute libre. En cause, la course à l’excellence dans l’espoir de décrocher une bourse universitaire. Au détriment du plaisir.

Les Américains auraient-ils tendance à prendre tout (un peu trop) au sérieux, y compris les performances physiques de leur progéniture ? L’inquiétude transparaît en tout cas chez les professionnels du sport, qui notent avec dépit une baisse continue du nombre de jeunes Américains de 6 à 17 ans inscrits dans un club de quartier (26 millions en 2014, quand même). En cinq ans, la baisse avoisinerait les 4 %, selon la Sports & Fitness Industry Association, citée récemment par le Washington Post. La tendance remonterait en réalité au milieu des années 1990.

Si la crise économique peut expliquer une partie de cette désaffection, le cœur du problème est ailleurs, selon les experts. La quête effrénée de l’excellence dans tous les domaines de la vie de leur enfant pousserait les parents américains et, sous leur pression, les organisations sportives, à privilégier la compétition élitiste, coûteuse et épuisante, au détriment du simple plaisir juvénile de taper dans un ballon, de renvoyer une balle de base-ball ou de faire des longueurs de bassin.

« Le système est désormais calibré pour les enfants doués. Ce n’est plus la participation qui est valorisée, mais l’excellence », assure Mark Hyman, un professeur de management des organisations sportives à l’université George Washington, dans le Washington Post. Les enfants les moins doués végéteraient donc dans des clubs sous-dotés, aux compétitions incertaines. Tandis que les plus talentueux – et les plus aisés – évolueraient dans des championnats prestigieux en voyageant à travers le pays pour participer à de grands tournois. Les conséquences d’une telle stratégie semblent sans appel : 70 % des enfants arrêtent la pratique d’un sport à 13 ans. Faute de « fun », principalement.
Au-delà des raisons psychologiques qui peuvent expliquer l’appétence de certains parents pour l’élitisme précoce, une donnée typiquement américaine éclaire ce phénomène. Le sport serait, aussi, un moyen de rendre plus abordables des études supérieures au coût prohibitif : entre 6 000 et 60 000 dollars l’année (entre 5 000 et 53 000 euros environ) ! Les universités américaines offrent en effet des bourses aux athlètes les plus prometteurs. Un pactole de 3 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros environ) que se partagent quelques centaines de milliers d’étudiants.

Pour obtenir une bourse de 30 500 dollars (27 000 euros environ) – la plus élevée –, les adeptes du football américain, ou plus précisément leurs parents, semblent prêts à ne rien laisser au hasard dès l’enfance : équipements coûteux, coaching personnel, entraînement intensif… Mais d’autres font désormais un tout autre calcul. Les places dans les équipes
de football américain, de base-ball et de basket étant les plus disputées, certains se tournent vers des sports plus inattendus. Ainsi, la lutte, le bowling ou le water-polo permettent chaque année à quelques centaines de passionnés de recevoir en moyenne 15 000 dollars (13 000 euros environ).

Ces familles, en revanche, restent sourdes aux avis des professionnels du sport qui mettent en garde contre une pratique trop intensive d’un sport dès le plus jeune âge, avec son lot de blessures et de « burn-out ». Seul le football américain, il est vrai particulièrement propice aux chocs violents, semble pâtir d’une récente prise de conscience. Le sport vedette aux Etats-Unis perd chaque année des adhérents et 50 % des parents assurent désormais qu’ils ne souhaitent pas que leur enfant pratique ce sport. Des études récentes ont en effet montré que la fréquence des chocs pouvait avoir des conséquences sur le développement cognitif.

Certains se tournent donc vers une autre spécialité américaine, moins violente, le lacrosse. Ce sport d’origine amérindienne, qui se joue avec une crosse agrémentée d’un petit filet, fait figure d’exception : il voit ses effectifs augmenter de 12 % chaque année.

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