Luciano Benetton, l'un des fondateurs de l'entreprise italienne de vêtements éponyme, a annoncé jeudi son retour, à 82 ans, à la tête de l'enseigne pour tenter de la redresser, se désolant de la dégradation du style et des comptes.
Une success story à l'italienne. Trois frères, une sœur, peu d'argent mais beaucoup d'imagination et l'envie de réussir : Benetton est comme très souvent en Italie l'histoire d'une saga familiale. L'entreprise naît officiellement en 1965 à Ponzano Veneto, un village du nord-est de la péninsule, sur une idée de Luciano, l'aîné de la fratrie. Rapidement, ses petits pulls doux en laine déclinés en de multiples couleurs séduisent les foules.
Le succès des "United Colors of Benetton" est allé grandissant, jusqu'à devenir planétaire entre 1982 et 2000 avec les campagnes publicitaires chocs du photographe Oliviero Toscani, comme celle qui montrait une femme noire donnant le sein à un enfant blanc.
Parti en 2012, revenu en 2017. Mais depuis le début de la décennie, la marque ne cesse de décliner. C'est pourquoi Luciano Benetton, "en colère", a décidé de la reprendre en main lui-même. Lui qui, en 2012, avait laissé les rênes à son fils Alessandro, afin que "soient expérimentées de nouvelles stratégies et que se libèrent des énergies plus jeunes". La gestion avait ensuite été confiée à des managers extérieurs à la famille.
La perte de son ADN. Selon lui, le "péché le plus grave" a été "d'arrêter de fabriquer des pulls, c'est comme si nous avions retiré l'eau d'un aqueduc". "La gestion a été louche, mais pas au sens criminel. Les erreurs sont incompréhensibles. Comme si celui qui dirigeait l'entreprise l'avait fait exprès", fustige-t-il.
"L'entreprise a perdu sa capacité d'innovation qui l'avait distinguée par le passé. Elle a aussi élargi son portefeuille de produits, passant des pulls au total look, perdant ainsi ce qui faisait son ADN", a expliqué Giuliano Noci, professeur de stratégie à l'école de commerce de Polytechnique à Milan. Autre obstacle, le fait que "Benetton ne maîtrise pas la chaîne de distribution, ce qui l'a beaucoup pénalisé par rapport à des concurrents", ajoute-t-il.
Un portefeuille trop élargi. En outre, souligne-t-il, la famille "a beaucoup élargi son portefeuille d'activités, allant dans la restauration, les autoroutes, les infrastructures, les aéroports". Conséquence : "la mode, d'activité principale, est devenue marginale", et le groupe a "manqué d'attention managériale pour lutter dans une arène devenue très difficile".
Retour aux sources. Luciano a décidé de revenir avec sa "sœur Giuliana, qui, à 80 ans, a recommencé à faire des pulls" et avec Oliviero Toscani, qui a conçu la nouvelle campagne publicitaire lancée à partir de vendredi. Celle-ci renouera avec le thème de l'intégration avec des photos d'une classe de 28 enfants de 13 nationalités différentes. "Nous sommes en train de préparer un produit nouveau, nous refaisons les magasins, nous étudions les couleurs, nous nous réorganisons", a expliqué Luciano Benetton.
Des suppressions d'emplois en perspective ? Alors que le nombre de salariés est passé de 9.766 en 2008 à 7.328 aujourd'hui, et qu'on lui demandait si des emplois étaient menacés, il a affirmé : "nous donnerons une chance à tous, mais nous devons alléger l'entreprise".
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