La corruption, une ombre sur les élections législatives en Espagne

  09 Décembre 2015    Lu: 622
La corruption, une ombre sur les élections législatives en Espagne
«Certains ont beaucoup volé et il ne leur est jamais rien arrivé», se plaint Lola Alonso devant le juge chargé d`instruire un vaste scandale de corruption dans le sud de l`Espagne, un fléau qui pourrait coûter cher aux partis politiques traditionnels lors des élections législatives.
L`avocate de 44 ans sort du palais de justice de Huelva, petite ville d`Andalousie (sud) où un magistrat interroge depuis des semaines plus de 1.000 témoins et accusés dans une affaire de détournement de fonds européens destinés à la formation des chômeurs.
C`est l`un des plus récents scandales, dans un pays frappé de plein fouet par la crise économique de 2008 de moins en moins tolérant envers la corruption. Elle éclabousse les partis de droite comme de gauche, patronat, syndicats, entreprises, banques et célébrités : même la sœur cadette du roi Felipe VI.

Avant «les gens disaient que la corruption était une chose terrible mais votaient ensuite pour les partis comptant des corrompus dans leurs rangs», explique à l`AFP le sociologue José Pablo Ferrandiz de l`institut de sondages Metroscopia.

Mais depuis que le chômage et l`austérité ont touché les classes moyennes, «ce qui était tolérable est devenu intolérable».

«Que nous les jeunes devions nous mettre en quatre pour un emploi alors qu`ils se remplissent les poches est inadmissible», s`offusque Alberto Sanchez, un serveur de 28 ans, sur la place de Don Juan de Austria en plein cœur de Séville, à 90 kilomètres à l`est de Huelva.

Ici, face au grand bâtiment gris du tribunal, des manifestants viennent régulièrement huer les personnes inculpées pour corruption. En 2013, deux anciens présidents d`Andalousie, fief du Parti socialiste (PSOE), y ont été mis en examen.

Et dans le berceau du flamenco, certains mettent la corruption en chansons, comme le collectif Flo6x8, qui fait régulièrement irruption dans des banques ou au Parlement régional pour la dénoncer.

«La corruption est devenue un sujet de préoccupation pour les gens, grâce à l`action de la société civile. Une fois que les responsables politiques le constatent dans les sondages, ils s`en inquiètent», se félicite un fondateur de ce collectif répondant au pseudonyme de Moody`s.

«Deux Espagne»

«La corruption et la fraude», arrivent en deuxième position sur la liste des sujets inquiétant les Espagnols derrière le chômage qui touche 21% de la population active, selon le Centre d`enquêtes sociologiques (CIS), dépendant de l`Etat.

Une avalanche de scandales impliquant les grands partis, le PSOE mais aussi le parti conservateur au pouvoir (PP), y a contribué.

«Cette question nous a fait plus de mal que les décisions prises en matière d`économie», a reconnu le chef du gouvernement sortant, Mariano Rajoy.

Arrivé au pouvoir fin 2011, le PP est soupçonné d`avoir tenu une comptabilité occulte pendant près de 20 ans. Une de ses figures de proue, l`ex-directeur du Fonds monétaire international (FMI) Rodrigo Rato, est soupçonné de fraude fiscale et blanchiment d`argent, et une ministre a dû démissionner fin 2014.

Pour tenter de limiter la casse, le gouvernement a fait voter des lois sur le financement des partis ou le contrôle des «conflit d`intérêt» chez les hauts fonctionnaires.

Mais le mécontentement social a débouché sur l`émergence de nouveaux partis, Ciudadanos au centre-droit et Podemos à gauche du PSOE, qui devrait entrainer la fin au bipartisme lors des législatives du 20 décembre, souligne M. Ferrandiz.
Le jeu se fera à quatre.

Podemos, formation ayant le mieux réussi selon lui à canaliser l`indignation populaire, n`a en effet pas pu déboulonner les socialistes lors des élections régionales de mars en Andalousie et la situation pourrait se reproduire au niveau national.

«Le PP va probablement gagner et on dira que rien ne s`est passé dans ce pays», poursuit-il en soulignant que Podemos et Ciudadanos pourraient quand même prendre de nombreux sièges aux grands partis.

«Électoralement, il y a aujourd`hui deux Espagne, une de plus de 55 ans et surtout rurale et une autre plus jeune, plus urbaine», la première évoluant plus lentement que la seconde, ajoute M. Ferrandiz.

Ce que confirme l`avocate à Huelva: «Ici, il y a peu de manifestations contre la corruption, nous y sommes habitués et ça ne paraît pas si grave aux yeux des gens».

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