NEUROLOGIE. A quoi pense une mouche quand elle a froid ? Ou quand elle sent du jasmin ? Marco Gallio de l`université Northwestern (Evanston, Etats-Unis) et son équipe sont allés y jeter un œil et publient leurs résultats dans Nature Communications. Grâce à un nouvel outil neurologique permettant de suivre le cheminement d’un influx nerveux d’un neurone à un autre, ils ont été capables de dresser le premier tableau des pensées s’agitant dans la cervelle de Drosophila melanogaster, la mouche reine des expériences de biologie. Pour cela, ils ont modifié génétiquement les animaux afin que leurs synapses expriment des molécules fluorescentes de différentes couleurs. La lecture des différents signaux permet ainsi de retracer les comportements et pensées des insectes.
"Depuis une décennie, les techniques d’imagerie ont totalement révolutionné la manière dont nous étudions le cerveau", dit Marco Gallio. Ainsi, la manière la plus précise de suivre l’activité d’un neurone est d’en "épingler" un à l’aide d’une aiguille-électrode et d’enregistrer les signaux électriques qui le traversent. Seulement, la méthode s’avère délicate quand il s’agit d’atteindre un neurone en profondeur et il est pratiquement impossible d’enregistrer plusieurs neurones.
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Au froid, à 15°c, c’est la partie gauche du circuit sensoriel neuronal de la mouche qui s’allume. Au chaud, à 35°c, c’est la partie droite.
La solution à cette impasse a été ébauchée voilà plusieurs années par Roger Tsien, prix Nobel de Chimie 2008 pour la co-découverte de la GFP, la protéine fluorescente verte tirée de la méduse. Selon le chercheur de l’université de Californie (San Diego, Etats-Unis), s’il était possible de créer des produits qui s’allument quand un neurone est actif, il deviendrait alors possible de visualiser l’activité de milliers de ces cellules à la fois.
Les prouesses de l`imagerie par fluorescence
L’intuition de Roger Tsien fut des plus justes et cette technique d’imagerie par fluorescence est aujourd’hui bien éprouvée. "Mais, nous l’avons améliorée, continue Marco Gallio, dans l’optique de pouvoir "fixer" une pensée dans le temps pour l’étudier par la suite. Quand des neurones ont été activés, ils en gardent la trace pendant un certain temps. En autopsiant l’animal, nous pouvons ainsi lire et suivre ce qu’il s’est dit entre les différentes synapses. Dans les faits, nous laissons l’animal vaquer à ses affaires et nous regardons ensuite quelles synapses se sont activées."
Le cerveau de la drosophile est ridiculement petit – il ne compte que 100.000 neurones là où le notre en dénombre près de 100 milliards. Mais, des améliorations de cette technique d’imagerie sont en cours. Un des auteurs de l’étude actuelle est notamment en train de tester la technique sur des souris, un animal bien plus évolué que la mouche. En attendant de pouvoir décoder les pensées humaines...
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