«Made in France»: le film sur le jihadisme qu`il faut absolument montrer aux jeunes fragiles VIDEO

  05 Décembre 2015    Lu: 1115
«Made in France»: le film sur le jihadisme qu`il faut absolument montrer aux jeunes fragiles  VIDEO
Film maudit, film prémonitoire. Initialement prévue pour l’année 2014, la sortie du film Made in France de Nicolas Boukhrief a été reprogrammée au 18 novembre 2015, avant d`être à nouveau repoussée après les attentats survenus six jours plus tôt dans la capitale. Il ne sera finalement diffusé dans les salles qu`à partir du 20 janvier 2016.
Made in France retrace l’histoire d’un journaliste qui, pour les besoins d’un livre, infiltre une mosquée radicale clandestine en banlieue parisienne. Il intègre un groupe composé de trois jeunes: Driss, Christophe et Sidi. Des musulmans de naissance ou convertis, qui attendent le retour d’Hassan, parti se former en Afghanistan. Et l’arrivée de ce dernier personnage va bouleverser leur vie. Ensemble, ils vont préparer le premier d’une longue série d’attentats sur le sol parisien.

Au lendemain des attaques qui ont frappé Paris le 13 novembre, l`oeuvre de Nicolas Boukhrief peut sembler dérangeante, voire inappropriée. Pourtant, elle doit absolument être vue et en particulier des jeunes, qui sont l`une des cibles du producteur et du scénariste Eric Besnard.



Toucher un public le plus large possible

"Ce n`est ni un film social, ni un film à thèse ni un documentaire, nous précise Dimitri Storoge, qui joue le rôle d`Hassan. C`est avant tout un thriller, et traiter ce sujet sous cette forme permet de toucher un public qui n`irait pas forcément voir ce genre d`histoire." Mais même de la sorte, le succès était loin d’être garanti. À l’exception de Canal+ et de Pretty Pictures, toutes les autres sociétés de production ont claqué la porte au nez de l’équipe. Pourtant, Made in France regorge d’atouts pour attirer un public varié, allant des adultes aux ados, des enseignants aux élèves, pour ne citer qu’eux.

Le public jeune et friand de films sur les banlieues reconnaîtra sans doutes les acteurs au casting. Nassim Si Ahmed, qui joue le rôle de Driss, s’est fait remarquer en 2011 dans la saison 1 des Lascars, avant d’enchaîner plusieurs productions françaises et la websérie En passant pecho, qui raconte les aventures de dealers. Il est accompagné à l’écran par Ahmed Dramé (Sidi) qui a joué dans Les héritiers, film inspiré d’une histoire vraie, où un professeur d’Histoire inscrit sa plus mauvaise classe de seconde d’un lycée de Créteil à un concours national. François Civil dans le rôle de Christophe, Dimitri Storoge pour Hassan et Malik Zidi dans la peau du journaliste viennent compléter le tableau.

Un casting pour accrocher l’œil donc, mais pas que. Made In France a aussi choisi de se servir d`une oeuvre culte depuis plus de 30 ans, Scarface, et plus particulièrement son personnage mythique Tony Montana. Après le retour d`Hassan, les jihadistes prennent possession de la demeure de Christophe, qu`ils "nettoient" afin de la rendre conforme à leur idéologie. Télévision et autres objets représentatifs de la société de consommation exécrée sont donc jetés, et parmi eux, un poster de Scarface, qualifié par Hassan de "propagande américaine".

"Nous voulions éviter ce qui s`est passé avec le personnage Tony Montana, ce malentendu qui a fait qu`il est devenu une espèce d`icône pour les trafiquants de cocaïne. Il ne fallait pas faire d`Hassan un héros, pour qu`on ne puisse pas s`identifier à lui. Il ne fallait pas l`idéaliser, lui, et à travers lui ces jeunes qui partent faire le jihad ou qui le font en France", insiste Dimitri Storoge.

Des personnages qui parlent aux jeunes (mais pas que)

Quel meilleur argument pour séduire un public que de l`amener à s’identifier aux personnages? Dans une production dont quatre des cinq personnages principaux sont des musulmans radicalisés au point d’organiser un attentat, le pari semble osé. Pourtant, Made in France dépeint bien plusieurs franges de la société française, sans se soucier de plaire ou de déplaire. Sam, le journaliste, est le fils d’un algérien musulman, dont il a choisi de conserver la religion. Bilingue arabe, il connait également le Coran, qui d’ailleurs ne le quitte jamais.

Driss et Sidi font tous deux partie de cette catégorie étiquetée "jeunes de banlieue". Musulman de naissance, on sait peu de chose sur Driss, présenté comme un solitaire au fort caractère, mais qui a choisi de "ne pas réfléchir" et est donc dans les premiers temps le plus fidèle disciple d’Hassan. Sidi appartient lui à une famille originaire du Mali, et cliché on ne peut plus banal, habite un petit appartement dans une barre d’immeuble, qu’il partage avec sa mère et ses autres frères et soeurs. En prenant part au jihad, il espère venger la mort de son cousin resté au Mali et tué par des soldats français.

Christophe et Hassan sont tous deux d’origine française, convertis à l’islam. Le premier est membre de la bourgeoisie et sa famille ignore tout de ses nouvelles convictions, et de sa conversion. D`Hassan en revanche, on ne sait pas grand-chose, et pour une bonne raison. "Il y avait dans le scénario une scène où l`on apprend un certain nombre de choses sur Hassan, confie Storoge. Elle a été tournée, puis coupée au montage. Et je trouve que c`est une très bonne idée. Ce personnage est un peu une figure d`Ange de la mort. Ne pas expliquer les raisons de sa conversion puis de sa radicalisation le rend plus intéressant." Et permet un peu plus d`éviter tout processus d’identification.

Ensemble, les protagonistes de Made in France constituent donc un aperçu sinon fidèle du moins complet des profils des combattants qui aujourd’hui s’engagent dans la Guerre Sainte. Un souci du détail, qui a hanté Nicolas Boukhrief et Eric Besnard tout au long de leur production, tant au niveau des personnages que dans l’histoire elle-même, dont ils n’ont pas hésité à modifier certains aspects, pour qu’elle soit totalement en accord avec la législation française. Ainsi Sam exerçait dans le premier scénario la fonction de policier, avant d’être transformé en journaliste pour plus de réalisme.

Du cinéma de genre donc, assumé et même revendiqué par Nicolas Boukhrief. "Il y a dans ce pays un rapport très condescendant vis-à-vis du cinéma de genre. Moi j’ai toujours voulu faire un polar avec ce sujet là. Le film réaliste, anti-suspense, qui allait traiter de l’endoctrinement et de la dérive d’un jeune homme, il ne m’a jamais intéressé – même s’il intéressera très probablement le festival de Cannes et les autres élites intellectuelles de la nation", confiait le producteur dans un entretien à Rue89.

Et derrière les images toutes faites, la vérité

Sur ce point peut-être plus encore qu’à cause des scènes de violences qui le traversent, Made in France est difficile à regarder. La réalité décrite ici est sans concession, abrupte et malheureusement, on ne peut mieux campée. Au-delà des habituels constats sur la méconnaissance de l’islam et de la culture arabe des jihadistes, cette fiction met en avant des aspects encore plus dérangeants.

Dès les premières scènes, doutes et interrogations sont présents chez les jeunes musulmans, même dans des sujets légers du quotidien. Leur vision de la religion semble légère, innocente, et à mille lieues des attentats et de la guerre. Jusqu’au retour d’Hassan. D’un coup, l’heure est venue de prendre une décision, d’embrasser ou non la cause du djihad. Un virage brutal, qui se négocie en une scène autour d’une table. Quelques minutes à peine où l’on décide du tournant que va prendre sa vie, sous le regard des copains, et sans véritablement se rendre compte de ce que l’on fait, comme un défi un peu stupide que l’on relève pour ne pas passer pour “le dégonflé”.

Seulement après, vient la prise de conscience, une fois que le processus est enclenché et que les jeunes embrigadés se rendent compte de ce que cela implique: les doutes, la peur, et puis aussi la mort.

À la fois capable d’attirer et de garder l’attention des jeunes, mais aussi parce qu’il rend compte de la réalité du jihadisme, trop peu souvent évoquée, Made in France doit être vu de tous, et en particulier des jeunes fragiles, qui parfois s’embarquent dans cette guerre sans savoir ce qu’elle leur réserve.

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