Au Turkménistan, les ambitions gazières sont à la peine

  30 Novembre 2015    Lu: 948
Au Turkménistan, les ambitions gazières sont à la peine
Les dômes en or de son palais présidentiel témoignent des ressources considérables en gaz du Turkménistan. Mais les ambitions mondiales de ce petit pays d`Asie centrale peinent à se concrétiser dans un marché de l`énergie en plein bouleversement.
Les dômes en or de son palais présidentiel témoignent des ressources considérables en gaz du Turkménistan. Mais les ambitions mondiales de ce petit pays d`Asie centrale peinent à se concrétiser dans un marché de l`énergie en plein bouleversement.

Seul le Qatar dispose de réserves de gaz par habitant supérieures à cette ex-république soviétique de cinq millions d`habitants, que certains voyaient il y a encore quelques années comme la pièce manquante du puzzle énergétique allant de Bruxelles à New Delhi.

Mais la réalité du marché a douché les espoirs des plus enthousiastes, entre évolutions technologiques qui ont permis l`émergence de nouveaux acteurs, développement du gaz naturel liquéfié (GNL) et depuis un an l`effondrement des cours des hydrocarbures.

Pour l`heure, seule la Chine avance ses pions au Turkménistan: le chinois CNPC importe plus de 30 milliards de m3 de gaz par an par un gazoduc passant par le Kazakhstan et l`Ouzbékistan depuis 2009.

Autrefois sa principale cliente, la Russie a réduit progressivement ses achats à portion congrue, laissant toute l`économie du pays à la merci de la demande chinoise.
Au «Tant que la Chine continue d`augmenter ses importations, le gouvernement turkmène va continuer de s`acheter des palais de marbre», affirme Andrew Neff, analyste au cabinet IHS Energy.

Les ambitions du Turkménistan passent aujourd`hui par deux méga-projets de gazoducs qui représentent ensemble 60 milliards de m3 par an: le Trans-Caspienne, chiffré à cinq milliards de dollars, en direction du sud de l`Europe, et le TAPI (Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde), évalué à dix milliards de dollars, censé relier l`Asie centrale au très convoité sous-continent indien.

Dans les deux cas, ces projets se trouvent confrontés à une rude concurrence de la part de la Russie et désormais de l`Iran, qui amorce un retour dans le jeu mondial. Souhaitant manifestement relancer TAPI, le Turkménistan vient d`ailleurs de nommer sa société gazière à sa tête.

Du gaz à quel prix ?

Lors d`une conférence annuelle réunissant des investisseurs internationaux à Achkhabad en novembre, le ministre du Pétrole et du Gaz Mouhammetour Halylov a défendu la réputation de son pays comme «partenaire fiable, stable et responsable».

«L`Europe va continuer d`avoir besoin de gaz à l`avenir», plaide pour sa part l`ancien ministre britannique de l`Energie Charles Hendry, aujourd`hui président du cabinet de conseil Eurasia Partners. «Plus nous avons de voies d`approvisionnement établies et stables, mieux ce sera», assure-t-il à l`AFP en marge de la conférence.

Plus sceptique, Laurent Ruseckas, analyste au cabinet Veracity Worldwide, rappelle que «la volonté politique ne suffit pas à mener à bien des projets de plusieurs milliards de dollars» et s`interroge sur le prix final du gaz une fois pris en compte le coût du transport et de la construction.

D`ores et déjà, l`abondance de l`offre sur le marché mondial, et la chute des prix qui va avec, coûte cher au Turkménistan, pour qui les hydrocarbures représentent 80% des exportations et qui doit rembourser à CNPC les crédits accordés pour la construction du gazoduc vers la Chine.

Son économie ralentit et la banque centrale a dû dévaluer la monnaie locale, le manat, de 20% cette année, à l`image de nombreuses ex-républiques soviétiques sous forte pression à cause de la crise économique en Russie.
Pour l`instant, les revenus gaziers permettent au pays de se maintenir à flots mais le temps est compté.

Comme l`a souligné lors de la conférence gazière le secrétaire d`Etat adjoint américain Daniel Rosenblum, non seulement la production de GNL augmente dans le monde mais l`Iran, aux immenses ressources en gaz, pourrait bien faire son retour sur le marché en cas de levée des sanctions à la suite de l`accord sur le nucléaire signé pendant l`été.

«Il y a bien plus de pays producteurs sur la carte aujourd`hui qu`il y a vingt, dix ou même cinq ans», a-t-il constaté. «Au fur et à mesure que le marché mondial de l`énergie se transforme, la fenêtre de tir commence à se fermer pour certains projets.»

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