Sting : "Mes chansons peuvent aider, comme une thérapie" - VIDÉO

  05 Novembre 2016    Lu: 1006
Sting :  "Mes chansons peuvent aider, comme une thérapie" - VIDÉO
La réouverture du Bataclan le 12 novembre à Paris
En concert au Bataclan pour la réouverture de la salle le 12 novembre, Sting sort un nouvel album rock et engagé. La star de 65 ans distille pêle-mêle ses réflexions sur le sort des réfugiés, le réchauffement climatique et notre condition de simples mortels...

[Entretien réalisé avant l`annonce du concert parisien de Sting au Bataclan, le 12 novembre.]

Il arrive avec des journaux pliés sous le bras, l`International New York Times, The Guardian... Tous les matins, Sting fait passer les nouvelles du monde avec un café. C`est le rituel du New-Yorkais d`adoption. L`ex-Police est de la vieille école. Il lit la presse papier, remplit les grilles de mots croisés et son nouvel album, 57th & 9th, sonne comme du rock FM.

Sting, Gordon Sumner de son vrai nom, a une longue carrière derrière lui, il a bien le droit de faire ce qui lui chante. A-t-il demandé la permission pour reprendre de la musique élisabéthaine (Songs from the Labyrinth, 2006)? Ou des airs de Schubert, Purcell ou Bach (If on a Winter`s Night..., 2009)?

La mode, l`époque, l`âge, il s`en fiche. Il vient de fêter ses 65 ans mais en paraît quinze de moins. Le Britannique en exil pourrait se la couler douce dans une de ses nombreuses demeures, et pourtant, il a choisi de remonter sur le ring.


La disparition de ses "collègues", notamment David Bowie et Prince, a rappelé à la rock star sa condition de mortel et lui a inspiré un hymne de stade, 50 000. Entre deux messages sur le réchauffement climatique et le sort des réfugiés.

Pourquoi donner à ce nouvel album le nom d`une intersection de New York, 57th & 9th?

Chaque jour, j`emprunte ce carrefour pour me rendre aux studios d`enregistrement, dans le quartier de Hell`s Kitchen. Les histoires racontées sur ce CD sont nées pendant ce trajet d`une dizaine de minutes. Le rythme de la marche m`aide à réfléchir et à créer. Dans la rue, vous croisez des visages, des architectures spectaculaires, vous entendez des conversations, le bruit de la circulation et des sirènes. Ce titre est un hommage à New York, une ville stimulante. On entend son énergie sur les morceaux.

C`est un vrai retour au rock...

Les étiquettes m`importent peu. Je considère la musique comme une langue universelle qui franchit les époques et les cultures. Ces dix dernières années, j`ai écrit des disques que l`on peut qualifier d`ésotériques, mais le rock`n`roll fait partie de mon ADN. Quand je monte sur scène, c`est ce que je joue. Je ne suis pas soudainement devenu snob. J`aime surprendre les gens et j`ai toujours fait ce que j`ai voulu. 57th & 9th est direct, spontané.



En 1987, vous avez déclaré: "Je ne veux pas être une pop star toute ma vie. Je me vois bien à 40 ou 50 ans en analyste jungien replet avec une calvitie." Trente ans plus tard, vous évoluez toujours dans la musique. Est-ce que vous avez raté votre vie?

Non, non. Je suis comblé. Je m`intéresse à la philosophie, j`ai étudié la psychologie, j`écoute et je raconte des histoires... Cela ressemble au profil d`un analyste, non? Mon boulot est de me glisser dans la peau d`un autre et de regarder le monde à travers ses yeux. Mes chansons peuvent aider, comme une thérapie.

Votre carrière a pris différentes directions. Qu`est ce qui a dicté vos choix?

Je suis mon instinct plutôt que mes peurs. Au départ, j`étais enseignant, père de famille, avec un salaire, un emprunt à rembourser, et j`ai décidé de me lancer dans le rock sans aucune garantie. Plus tard, j`ai entamé une carrière solo alors que The Police était au sommet. Un choix à contre-pied. J`espère avoir toujours ce courage. Il faut vivre dangereusement.

Vous vous êtes donc échappé de votre ville natale, près de Newcastle, puis du groupe The Police...

Je suis le roi de l`évasion!

... vous avez aussi délaissé l`Angleterre pour New York, tourné le dos au rock pour des disques décalés. Pourquoi ce besoin d`ailleurs?

Je suis curieux. Où va le monde? Pourquoi sommes-nous là? Je cherche des réponses. Le premier titre de l`album s`intitule I Can`t Stop Thinking About You. Ce n`est pas une chanson romantique, j`évoque une quête. Celle de l`écrivain face à la page blanche. Que cache ce champ couvert de neige? C`est une recherche de tous les jours, le sens de la vie, une obsession.

Quelles sont vos astuces pour trouver l`inspiration?

La panique! Me mettre dans des situations inconfortables. J`ai écrit une partie de 57th & 9th sur ma terrasse, dehors, dans le froid. Je m`interdisais de rentrer avant d`avoir fini un texte.

Avec votre niveau de vie, comment sortir de votre zone de confort?

Je voyage. J`ai emprunté les routes des pèlerins, en Inde, jusqu`aux sources du Gange et de la Yamuna. Je me suis lavé dans les glaciers, dans un acte de purification. J`ai dormi au bord des routes où personne ne faisait attention à moi. J`ai connu les cabanes de béton et les palais des maharajas. L`Inde est un pays merveilleux et terrible qui stimule mon imagination. La pauvreté y est extrême.

Les chansons Petrol Head et Heading South On The Great North Road, évoquent cette envie de départ.

Je suis toujours sur la route. Dans Petrol Head, je joue avec l`imaginaire du road trip. Heading South On The Great North Road est plus personnel. La chanson fait référence à l`autoroute qui relie Londres à l`Ecosse et qui passe par Newcastle. La seule issue pour trouver la fortune. C`est mon histoire et celle de tous les musiciens qui ont quitté cette ville pour une nouvelle vie.

Quand avez-vous décidé de vous consacrer à la musique?

Enfant. Mon ambition était de gagner ma vie en devenant musicien professionnel. C`est un métier honorable. On ne blesse ni n`exploite personne. On donne du plaisir aux gens et, en retour, on est payé.



Lorsque vous avez vendu votre maison à Londres, vous avez lancé que vous ne vouliez pas que vos enfants deviennent de riches héritiers. Quel rapport entretenez-vous avec l`argent?

J`ai passé les vingt-cinq premières années de ma vie démuni. J`apprécie la liberté que l`argent me procure. J`en ai plus qu`il n`en faut aujourd`hui. Mais je ne suis pas milliardaire. Je vis confortablement. Je possède plusieurs maisons dans le monde. Ma relation à l`argent est plutôt saine. Pour certains, c`est devenu une malédiction, une maladie. Parfois, je reçois des cachets extravagants et j`aime cette forme d`absurdité. Mais je pourrais chanter dans la rue pour rien. La musique, c`est ma vie. Je joue comme je respire.

Quel a été le point de départ de la chanson 50 000?

De nombreux collègues sont morts en début d`année. Glenn Frey des Eagles, Lemmy Kilmister de Motorhead, David Bowie, Prince, mon ami, l`acteur Alan Rickman... Comme tout le monde, j`ai été choqué par la disparition soudaine de ces icônes. Ce texte est le point de vue d`une rock star qui vieillit et voit ses pairs disparaître. Elle comprend que son sentiment d`immortalité, ce sentiment toxique de puissance, est juste une illusion. Cela parle de moi, de mes amis, des gens qui m`aiment.

Comment souhaitez-vous qu`on se souvienne de vous?

Comme d`un bon père et d`un bon citoyen. Je ne me soucie pas beaucoup de mon héritage artistique.

Confiez-nous votre secret pour être si en forme.

La vanité. Et un peu de discipline.

Votre précédent disque, The Last Ship, revenait sur votre enfance. Avec celui-ci, vous regardez vers le futur. One Fine Day a pour thème le changement climatique. Cherchez-vous à alerter les consciences?

Le propos de One Fine Day est ironique. Les climatosceptiques soutiennent que le réchauffement est une arnaque. J`aimerais qu`ils aient raison. Mais les preuves scientifiques montrent que c`est la faute de l`homme. J`espère donc qu`un beau jour nous serons plus sages. Pourvu que ce ne soit pas trop tard.

Inshallah traite des réfugiés.

Aujourd`hui, ce sont les victimes de la guerre en Syrie et de la pauvreté en Afrique. Demain, ce seront les populations soumises au réchauffement climatique. Les crises migratoires ne sont pas un problème à court terme. Elles vont être la grande question du XXIe siècle. Je ne sais pas s`il y a une solution politique, mais notre approche doit se situer dans l`empathie. Construire des murs ne constitue pas la réponse. Dans Inshallah, je me place dans la situation d`une famille sur un bateau luttant pour sa survie. Cela rend les choses moins abstraites. Inshallah [NDLR: "Si Dieu le veut" en arabe] est une expression magnifique. Selon moi, elle exprime l`espoir, l`humilité et le courage.

Vous sentez-vous toujours dans la peau d`un "migrant" chic, d`un Englishman in New York?

Oui, je suis un immigrant privilégié. J`aime vivre en exil, au cœur d`une culture différente. Les sociétés multiculturelles sont plus fortes et disposent d`un réservoir de talents. Je ne supporte pas l`idée stupide de race. C`est le genre de théorie pseudo-scientifique décrite dans le livre que je suis en train de lire, Les Bienveillantes, de Jonathan Littell. Ces idées peuvent resurgir. Restons sur nos gardes.

57th & 9th(Polydor/Universal). Sortie le 11 novembre.


Réouverture du Bataclan: “Nous avons tout... by LEXPRESS

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