Pourquoi y a-t-il moins de sexe dans «GAME OF THRONES» ?
Beaucoup avaient accusé la série médiévale fantastique de sexisme et de misogynie, une critique dont Libé s’était fait l’écho l’année dernière. Les personnages féminins y apparaissaient victimes de violences, physiques et/ou sexuelles, et les scènes de viol récurrentes et banalisées – deux d’entre elles ont d’ailleurs été ajoutées, alors qu’elles n’existaient pas dans les livres de George R. R. Martin, dont la série est adaptée. Le coup de grâce pour les fans féministes. Sauf que les scénaristes ont visiblement pris acte des critiques, et accéléré ce qu’on pourrait qualifier de tournant féministe, déjà initié dans les dernières saisons (un constat partagé notamment par les Inrocks dans cet article, illustré d’une Daenerys façon Rosie the Riveter). La saison 6, qui apparaît bien plus égalitaire dans la répartition des rôles femmes-hommes, met en scène des héroïnes puissantes, et s’achève même par le couronnement de Cersei Lannister, après le suicide de son fils – alors que, rappelons-le, l’Elysée ou la Maison Blanche sont toujours réservés aux détenteurs de chromosomes XY.
Platoniques
On ne peut que se réjouir de cette prise de pouvoir des personnages féminins, longtemps maltraités dans la série. On s’étonne cependant que ce girl power aille de pair avec une disparition totale des scènes de sexe à l’écran – qui étaient quand même, il faut l’avouer, une des raisons qui faisaient que les téléspectateurs attendaient fébrilement, chaque lundi soir, leur nouvel épisode (l’auteure de ces lignes comprise). Evidemment, personne ne regrette les scènes de viol conjugal entre Daenerys et Khal Drogo, ou entre Sansa Stark et Ramsay Bolton. Ce n’est pas du sexe, c’est de la violence. Mais pourquoi la prise de pouvoir des femmes passe-t-elle par une invisibilisation quasi-totale de la sexualité ? Pourquoi, parce qu’elles règnent ou combattent, les femmes devraient-elles s’arrêter de s’adonner aux plaisirs charnels ?
Les relations entre les personnages n’auront jamais été aussi platoniques que dans cette saison (on pense à Daenerys et Jorah Mormont, et surtout à Brienne et Jaime, qui doivent se contenter de quelques eye contact et d’un signe de la main pas vraiment érotique). On savait Jon Snow pas très porté sur la chose (l’ex-Lord Commandant avait refusé les avances de Melisandre dans la saison précédente), mais même Tyrion Lannister, qui y était pour beaucoup dans le quota de sexe de la série, semble désormais avoir une libido proche de zéro.
Certes, il y a ce moment où Yara, héritière des Greyjoy, sollicite les services d’une prostituée à moitié nue. Enfin un personnage lesbien, se sont réjouis certains, alors que la scène montre quand même un rapport rémunéré et reproduit un schéma hétéro très normé. Pourtant, les scénaristes auraient pu profiter de cette saison pour montrer des scènes de sexe plus égalitaires à l’écran, et des héroïnes qui prennent le pouvoir aussi via leur sexualité, ce «sexpowerment» dont parle la journaliste Camille Emmanuelle dans son essai du même nom paru au printemps. Certes, pour les à peine pubères Arya Stark et Lady Mormont, c’est encore un peu tôt, mais on ne voit pas pourquoi les autres personnages n’y auraient pas droit, et les spectateurs aussi