L’Etat islamique frappe ses ennemis jusqu’en Turquie

  01 Novembre 2015    Lu: 731
L’Etat islamique frappe ses ennemis jusqu’en Turquie
Deux jeunes journalistes syriens, engagés dans la lutte contre l’Etat islamique (EI) ont été retrouvés décapités, vendredi 30 octobre, dans l’appartement qu’ils occupaient à Urfa, dans le sud de la Turquie.
Ibrahim Abdel-Qader, âgé d’à peine 20 ans, était l’un des membres fondateurs du réseau Raqqa is Being Slaughtered Silently (« Rakka se fait massacrer en silence », RBSS), qui rassemble des informateurs secrets sur la vie à Rakka, la capitale de l’Etat islamique en Syrie. Le jeune homme collaborait aussi avec Eye on the Homeland, un autre collectif, spécialisé dans la contre-propagande anti-EI. La seconde victime, Farès Hamadi, œuvrait également pour cette organisation.

Les deux militants coordonnaient depuis Urfa la mise en ligne de vidéos et de photos, prises par leurs contacts clandestins, à l’intérieur de Rakka. Ces documents exclusifs, captés à l’aide d’un téléphone portable, au prix de risques énormes, dépeignent non seulement les exactions perpétrées par les membres de l’EI, mais aussi le quotidien de la ville, fait de privation de nourriture, de pénurie d’électricité et de bombardements, très loin du « paradis panislamiste » promu par les propagandistes de l’EI.

« Une cible importante pour Daech »

Selon Abou Ibrahim Al-Raqqawi, le pseudonyme d’un autre membre de RBSS, les deux activistes ont d’abord été tués par balle avant d’être égorgés. Si aucune revendication formelle n’est pour l’instant apparue, les partisans de l’EI sur les réseaux sociaux se sont bruyamment félicités de leur exécution.

Selon un conseiller politique de l’Armée syrienne libre, la branche modérée de l’insurrection syrienne, joint par téléphone à Urfa, la responsabilité de l’Etat islamique dans cette opération ne fait aucun doute. « Ibrahim était une cible importante pour Daech [l’acronyme arabe de l’EI], dit-il. Il avait reçu des menaces de leur part. Il avait disparu de la circulation pendant longtemps. Des rumeurs le disaient en Allemagne. Mais quand il est réapparu il y a un mois, on a compris que, pendant toute cette période, il s’était caché. »

Le jeune homme a probablement été incité à sortir de la clandestinité par l’amélioration de la situation sécuritaire à Urfa. Située à une quarantaine de kilomètres de la frontière syrienne, la ville a servi, de 2014 au début de l’année 2015, de lieu de transit à des recrues djihadistes et de base arrière à certains des combattants de l’EI. La présence de ces extrémistes, à peine dissimulée, entretenait un climat de tension dans la ville.

« La situation à Urfa s’est améliorée après que les Kurdes, au mois de juin, ont délogé Daech de Tal Abyad, une ville sur la frontière », explique le conseiller de l’ASL, qui a requis l’anonymat. « Ces derniers temps, la ville semblait parfaitement sûre. Le fait que les tueurs de l’EI aient pu frapper à l’intérieur de la ville sans être arrêtés est extrêmement choquant.»

Rakka, bientôt visé ?

De nombreux Syriens, affiliés de près ou de loin à RBSS, ont payé de leur vie leur engagement anti-EI. C’est notamment le cas de Bashir Abduladhim Al-Saado et Faisal Hussain Al-Habib, deux jeunes habitants de Rakka, dont l’exécution d’une balle dans la tête, à bout portant, avait été diffusée sur Internet, au mois de juillet. Mais jusque-là l’organisation djihadiste n’avait jamais réussi à abattre l’un de ses adversaires médiatiques au-delà des frontières de la Syrie.

En réaction à cette opération, l’organisation Reporters sans frontières a publié un communiqué exhortant « les autorités turques à tout mettre en œuvre pour traduire en justice les assassins (…). Ankara se doit d’assurer la sécurité des journalistes réfugiés sur son sol. »

La mort de deux activistes survient alors que la probabilité d’une offensive contre Rakka s’accroît. Abou Issa, chef de la Brigade des révolutionnaires de Rakka, un groupe armé allié aux troupes kurdes des YPG, a appelé la population de la région à se préparer à une attaque contre le fief de l’EI.

Le déploiement dans le nord de la Syrie de forces spéciales américaines, annoncé vendredi 30 octobre par la Maison Blanche, laisse aussi penser que cette offensive approche.

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