L`Iran et l`Arabie saoudite, deux puissances rivales à la même table de pourparlers sur la Syrie

  31 Octobre 2015    Lu: 579
L`Iran et l`Arabie saoudite, deux puissances rivales à la même table de pourparlers sur la Syrie
Après quatre ans de conflit en Syrie et autant d`années passées à essayer de trouver une solution, la table des négociations s`est pour la première fois élargie significativement vendredi 30 octobre avec l`arrivée de l`Iran aux discussions inédites de Vienne.
Un interlocuteur pro-Assad dont la Russie demandait la participation depuis le début de la guerre pour aboutir à un règlement politique mais avec lequel l`Arabie saoudite, allié des États-Unis et grande puissance rivale de Téhéran, refusait de parler il y a encore peu.

Alors que le dialogue direct va peut-être reprendre entre les deux pays ennemis, retour sur l`implication de chacun dans le conflit en Syrie et l`issue qu`ils espèrent trouver.

Frappes aériennes contre troupes au sol

Sans intervenir aussi ouvertement que la Russie – qui a bombardé environ mille fois la Syrie en un mois –, Téhéran soutient activement le régime de Bachar el-Assad depuis 2011. L`Iran chiite n`envoie officiellement pas de soldats au sol dans le pays, mais des "conseillers" sous le commandement desquels combattent des miliciens chiites du Hezbollah libanais, ainsi que des Afghans.

Selon des sources syriennes, il y aurait toutefois plusieurs milliers de Gardiens de la révolution iraniens qui se battent en Syrie. Le général Ghassem Souleimani, chef de la force al-Qods, chargée des opérations extérieures des Gardiens, se rend notamment régulièrement en Syrie et en Irak.

Se voulant le chef de file des pays arabes sunnites, le royaume saoudien n`a de son côté pas posé le pied sur place. Le pays participe cependant aux frappes aériennes de la coalition internationale menée par les États-Unis contre le groupe jihadiste État islamique. Ryad fournit aussi aux rebelles des missiles pour résister à l`offensive du régime depuis 2013 avec l`aide de la CIA.

Très efficaces contre les chars syriens, ces armes ont pourtant un impact militaire réel à relativiser, selon les experts. "Les forces du régime (syrien) ont un certain nombre d`avantages sur les rebelles, particulièrement l`artillerie et le soutien aérien" contre lesquels les missiles anti-chars filoguidés TOW ne sont pas efficaces, explique Stephan Biddle, professeur à l`université George Washington aux États-Unis.

Le problématique départ d`Assad

Renforcé grâce à son accord historique sur le nucléaire, l`Iran espère prolonger son retour sur le devant de la scène internationale en se posant en acteur incontournable dans le conflit en Syrie. Le président Hassan Rohani a récemment déclaré que la "priorité" de Téhéran était de renforcer le régime Assad pour combattre "le terrorisme", tenant ainsi un discours semblable à celui de la Russie.

Rohani a plaidé dans ce but pour une grande coalition internationale "anti-terroriste" allant des Etats-Unis à la Russie, en passant par la Turquie, les pays européens, l`Iran, et même l`Arabie saoudite. "Nous ne travaillons pas pour maintenir Assad au pouvoir pour toujours en tant que président, a cependant assuré son vice-ministre des Affaires étrangères Hossein Amir Abdollahian, dans une interview au Guardian.

L`Arabie saoudite réclame, quant à elle, avec force le départ du président syrien. Mais après s`être montré ferme sur ce point, le pays a assoupli dernièrement sa position: le 19 octobre, un ministre saoudien a indiqué que Bachar el-Assad pourrait rester au pouvoir pendant la formation d`un gouvernement de transition.

Une position qui reste bien tranchée a assuré le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, à la BBC. Bachar al-Assad "partira soit à l`issue d`un processus politique soit parce qu`il sera renversé par la force", a déclaré Adel al-Jubeir, à la BBC jeudi 29 octobre.

"Tester le sérieux de l`Iran"

En attendant d`éventuelles discussions diplomatiques, "l’Iran fait plus que jamais équipe avec la Russie sur le dossier syrien", souligne François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France à Téhéran entre 2001 et 2005. Avec, comme stratégie, de "régler d`abord la question des terroristes, éliminer Daech avant, dans un deuxième temps, poser les questions institutionnelles".

Sur le plan militaire, "les Russes bombardent, mais il va falloir maintenant occuper le terrain et les Iraniens vont jouer un rôle précieux", selon lui. Car ils peuvent "mobiliser les Irakiens, les Afghans, envoyer eux-même des hommes. Les Iraniens sont les seuls qui peuvent envoyer des troupes au sol. L`armée syrienne est à bout de souffle".

Si les deux pays arrivent à passer outre leurs accusations mutuelles de déstabiliser le Moyen-Orient pour pouvoir le dominer politiquement, militairement et religieusement, le médiateur de l`ONU pour le Yémen Ismaïl Ould Cheikh Ahmed estime que "des problèmes plus importants, comme le développement et la lutte contre la pauvreté" pourront être adressés dans le futur. Le diplomate onusien met aussi en avant "l`opportunité de l`accord nucléaire avec l`Iran, qui va s`ouvrir économiquement et qui aura alors besoin d`un marché important comme le Golfe".

Mais pour l`heure les deux pays n`en sont pas là. Ryad voit seulement en ces discussion à Vienne un "test" de Téhéran et Moscou sur leur envie réelle de trouver une solution: "S`ils sont sérieux, nous le saurons. S`ils ne le sont pas nous le saurons aussi et nous arrêtons de perdre du temps avec eux", a déclaré mercredi le chef de la diplomatie saoudienne.

Tags:


Fil d'info