La nouvelle ère du logo

  18 Mars 2016    Lu: 1004
La nouvelle ère du logo
Débarrassés de leur caractère purement statutaire, les sigles s`offrent une seconde jeunesse. Entre références street et messages d`humour, ils montent au créneau. Décryptage.
Leur nom est inscrit en gras. Chez Loewe, il est imprimé à l`infini sur un tailleur-pantalon. Chez Lanvin, le show du défilé printemps-été 2016 se referme sur une robe asymétrique entièrement bardée du label. Même état d`esprit pour Lacoste, Gucci, Hood by Air, Vetements, ou encore Paco Rabanne. Après de premiers essais concluants ces dernières saisons -c`était chez Anthony Vaccarello et Alexander Wang-, le logo prend ses marques. Mais sans le côté clinquant des années 2000, son âge d`or.

Place, désormais, au néologo. "Le retour de cette vogue est associé à la mouvance streetwear", explique Laurent Le Mouel, directeur création au bureau de tendances NellyRodi, qui rappelle par ailleurs que les griffes sportives jouent avec le graphisme de leurs noms depuis les années 1960 et 1970. Côté mode, le sigle n`apparaît qu`en 1922, sous l`impulsion de Jean Patou, mais il faudra attendre la fin des années 1990 pour que les colliers en or à double C et les sacs siglés estampillent un véritable style, vite qualifié de bling-bling.

"Le logo crée un rapport affectif à la marque"

Mais ce n`est pas parce qu`elle est revenue par le biais de jeunes créateurs influencés par la rue que cette tendance n`est pas sophistiquée. "C`est un phénomène assez pointu", considère Florence Müller, historienne de la mode et conservatrice textile et mode au Denver Art Museum, qui pointe également l`aspect très visuel du logo. "Cela attire le regard, permet toutes sortes d`interprétations, avec des contours simples et discernables très facilement."

Plus rien de clinquant à l`horizon, donc. "Il s`agit d`abord de revendiquer une appartenance à un clan ou à un style de vie, poursuit Laurent LeMouel. Et non plus de mettre en avant une maison de luxe de façon ostensible. C`est de l`ordre du manifeste, finalement." On flirte ici avec une vision identitaire. "Le logo crée un rapport affectif à la marque, l`idée qu`on fait partie d`une sous-culture importante", observe Philippe Marion, professeur à l`école de communication de l`Université catholique de Louvain, en Belgique, spécialiste de la narratologie visuelle.



Rassurer les clients

Afficher ces patronymes aurait aussi une fonction apaisante, en ces temps de crise. Certaines études ont même fait le lien entre une économie au plus bas et ce genre d`ornements. "Ces derniers rassurent, confirme le professeur. Ils sont vus comme une garantie de stabilité, ils possèdent une force conservatrice, font office de drapeau pour le label, et Dieu seul sait à quel point on ressent le besoin d`exhiber ses étendards dans ce climat un peu anxiogène."

Un point de vue entièrement partagé par Florence Müller: "Un sigle, c`est la citation de la marque. Or celle-ci, de par son caractère établi, renferme quelque chose de réconfortant. En outre, le secteur du luxe et de la mode est l`un des rares à ne pas se porter trop mal. Dans un monde où on a l`impression que tout part de travers, c`est une manière un peu joyeuse de se référer à un domaine qui reste flamboyant, en tout cas de façon symbolique ou inconsciente."

Humour et dérision

Autre caractéristique de cette tendance 2.0: l`humour. Comme Jeremy Scott, donc, qui l`a anticipée et l`a portée à son paroxysme chez Moschino, on réaffirme son identité en toutes lettres, mais avec une forte dose de second degré. Car ceux qui portent ces tenues estampillées ne sont pas dupes. Ils font preuve de dérision et se rient de ce passé et passif bling-bling.

Mais il n`est pas non plus question de se limiter à apposer un nom sur un tee-shirt. "La pièce doit être porteuse d`un message. Il faut qu`on trouve un univers derrière, un graphisme", note Laurent LeMouel. Tel Vetements, dont le nom signifie bien que l`on revient au produit, ou Pigalle Paris, un label qui parle du quartier, de la dualité entre le monde de la nuit et la vie au grand jour. Autant de sujets intéressants.

Vivant avec leur temps et les contraintes qui leur incombent, ces jeunes créateurs ne se contentent plus d`agir comme stylistes. "Ce sont de très grands communicants, poursuit Laurent Le Mouel. Des directeurs artistiques au sens large, qui possèdent une culture complètement hybride."

Identité narrative de la marque

Il suffit pour cela de se souvenir de l`arrivée de Carol Lim et de Humberto Leon à la direction artistique de Kenzo, en juillet 2011. A coups de pulls ornés d`une tête de tigre et barrés du nom du label fondé en 1970 par Kenzo Takada, le duo est parvenu à susciter un engouement sans précédent. Le tout en s`affirmant directement par le biais de ses produits, et non via une campagne de publicité.

Car, qu`il s`agisse de mode ou non, il ne faut jamais oublier qu`un logo est toujours lié à l`identité narrative de la marque. "En termes de marketing, c`est une opération très rentable, analyse Philippe Marion. Cela donne un effet signature à l`ensemble, cela apporte un code visuel. On retrouve le côté littéral du fer rouge dans ce branding." Tout bonus, donc, au passage pour les griffes qui surfent sur cet air du temps, et ce d`autant plus dans une ère où le moindre look est scruté et immortalisé sur les réseaux sociaux.


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