La question d’une vaccination obligatoire contre le Covid-19 surgit régulièrement, la maladie «prenant du répit» dans certaines régions, mais attaquant de plus belle dans d’autres. Qu’en pensent les experts et qu’en disent les documents?
La décision de la banque américaine Morgan Stanley qui a annoncé le 23 juin son intention de limiter l'accès de ses bureaux new-yorkais tant aux salariés qu’aux clients non-vaccinés, soulève de nouveau la question d’une vaccination obligatoire. La mesure entrera en vigueur le 12 juillet.
Quid de l’éventualité d’une telle mesure en France? Elle semble, tout du moins pour le moment, écartée.
«En l'état actuel du droit, un employeur ne peut pas forcer un employé à se faire vacciner contre le Covid-19 […]. Pour que cela soit possible il faudrait au préalable une loi qui confirme l'obligation vaccinale», a déclaré aux Échos Camille-Frédéric Pradel, avocat spécialisé dans le droit de la santé au travail.
Il existe également l’obligation vaccinale pour certains secteurs, comme les métiers de la santé, des secours, de la petite enfance et des personnes âgées. Mais cette obligation ne s’étend pas pour l’instant au vaccin anti-Covid et les autorités semblent privilégier la responsabilisation de chacun. Les entreprises ne peuvent qu’encourager leur personnel à la vaccination.
«Les employeurs ont le droit d'inciter les salariés à se faire vacciner», mais pour les personnes tierces, visiteurs comme clients, «la vaccination relève du secret médical», précise aux Échos Pierre Warin, associé du cabinet Melville Avocats.
En outre, pour Camille-Frédéric Pradel, «dès lors qu'une personne présente une preuve de vaccination, cela n'est plus anonyme et constitue une atteinte à la vie privée».
Vaccination obligatoire
L’obligation vaccinale pourrait s'avérer contre-productive, selon Laurent-Henri Vignaud, spécialiste de l'histoire des vaccins.
«Historiquement, dans les situations où l’État a été contraint d’aboutir à une obligation vaccinale, cela a généralement motivé, excité, stimulé les groupes d’opposition», a-t-il déclaré à France Info.
Pourtant, le principe de la vaccination obligatoire existe. Depuis le 1er janvier 2018, ce sont 11 vaccins qui sont obligatoires pour les enfants en France. Le ministère des Solidarités et de la Santé a indiqué que cette extension avait été promulguée par la loi du 30 décembre 2017 et fait savoir qu’il rendait obligatoires «huit vaccins supplémentaires jusqu’alors recommandés pour la petite enfance, en complément des trois vaccins actuellement obligatoires».
D’ailleurs, «12 autres pays que la France ont rendu au moins une vaccination obligatoire. L’Italie a récemment rendu 10 vaccins obligatoires», rappelait le ministère en octobre 2017.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est d’ailleurs prononcée sur le sujet le 8 avril 2021, statuant que l’obligation vaccinale ne constitue pas une violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit au respect de la vie privée en vertu du principe de solidarité sociale.
«La politique de vaccination poursuit les objectifs légitimes de protection de la santé ainsi que des droits d’autrui, en ce qu’elle protège à la fois ceux qui reçoivent les vaccins en question et ceux qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons médicales et qui sont donc tributaires de l’immunité collective pour se protéger contre les maladies graves contagieuses en cause.»
Et ailleurs?
Différents pays prennent diverses mesures pour pousser leurs habitants à se faire vacciner. Ainsi, aux Philippines, le Président Duterte a menacé ceux qui refuseraient de les jeter en prison.
Trois grandes approches se profilent aux États-Unis: licenciement ou non renouvellement du contrat, un hôpital au Texas ayant renvoyé 150 salariés, télétravail obligatoire et une vaccination obligatoire pour se faire embaucher, précise BFM TV.
À Moscou, les employés de plusieurs secteurs, par exemple, bancaire, de la restauration, des transports ou encore du service public, devront également se faire vacciner sous peine de grosses amendes pour leurs entreprises. Celles-ci ont d’ailleurs le droit non seulement de contraindre leur personnel au télétravail, mais également d’appliquer une mise à pied sans salaire pour ceux qui refusent de se faire vacciner.
En Espagne, la Galice a instauré dès février dernier une amende allant de 1.000 à 600.000 euros aux réticents.
En outre, plusieurs pays européens, comme l'Allemagne, Chypre ou la Grèce, permettent à ceux qui ont reçu deux doses de vaccin d'échapper aux restrictions. Les personnes guéries du Covid-19 bénéficient, en règle générale, des mêmes conditions.
Avec Sputnik
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