Alain Houpert: «La France ne peut prendre le parti d’un pays contre un autre dans cette guerre au Karabagh»

  30 Octobre 2020    Lu: 9173
  Alain Houpert:  «La France ne peut prendre le parti d’un pays contre un autre dans cette guerre au Karabagh»

Le Sénateur Alain Houpert, président du groupe d’Amitié France-Caucase, a adressé une lettre au président du Sénat français Gérard Larcher.

AzVision présente l'article dans son intégralité:

«Monsieur le Président,

Agissant en tant que Président du Groupe d’Amitié France- Caucase au Sénat, je me permets de vous transmettre ces quelques réflexions concernant le conflit dans le Haut- Karabakh, ainsi que sur la place que devrait tenir notre pays dans son règlement.

Seule une France impartiale et faiseuse de paix pourra être entendue dans le Caucase

Depuis le 27 septembre dernier, les combats font de nouveau rage entre les forces azerbaïdjanaises et arméniennes dans le Haut-Karabakh et sept provinces adjacentes, une zone du Caucase hautement conflictuelle et âprement disputée depuis près de 30 ans.

Aujourd’hui, des voix se font entendre dans notre pays pour exiger de la France qu’elle s’engage résolument aux côtés de l’Arménie dans ce conflit aux ramifications complexes.

Disons-le clairement, ces initiatives sont la conséquence de la pression qu’exerce la diaspora arménienne importante en France. Si elles devaient être suivies d’effets, elles porteraient gravement atteintes à l’image et aux intérêts supérieurs de notre nation dans le monde.

La France est co-présidente du groupe de Minsk et ne peut prendre le parti d’un pays contre un autre dans cette guerre qui oppose deux peuples amis. Elle se doit, au contraire, de tenir son rang international et de rester impartiale afin de ramener les belligérants à la table des négociations.

Pour être audible, notre pays doit scrupuleusement respecter ses engagements pris au sein du Conseil de sécurité de l’ONU qui, à quatre reprises (résolutions 822, 853, 874 et 884 de l’ONU), a exigé le retrait total et inconditionnel des troupes arméniennes des territoires occupés en Azerbaïdjan.

La France ne peut ignorer le droit international qui établit de façon incontestable la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Haut-Karabakh et les provinces avoisinantes. Le respect de l’intégrité territoriale des États est une pierre angulaire de la diplomatie française, y contrevenir constituerait un précédent particulièrement préjudiciable et ruinerait des décennies d’efforts diplomatiques sur la scène internationale.

Pour contraindre la France à sortir de sa ligne médiane, des fauteurs de guerre ont recours à des méthodes qui suscitent la critique. Ils s’emploient notamment à donner une coloration religieuse et civilisationnelle à la crise du Haut-Karabakh, au mépris de toute raison. En instrumentalisant les émotions et l’affect, ils prennent le risque d’importer dans notre pays ce lointain conflit et poussent nos autorités sur un terrain glissant et périlleux.

Du reste, au nom de quelle religion pourrait-on justifier le tir de missiles balistiques sur des quartiers résidentiels de villes densément peuplées ? De tels tirs ont cruellement frappé des cités azerbaïdjanaises ces derniers jours, notamment l’agglomération de Ganja, où de nombreux civils, parmi lesquels des familles entières et des enfants, ont été tués. Quelle civilisation pourrait froidement endosser ces atrocités et crimes de guerre ?

Cette guerre n’a rien de religieux, elle est strictement territoriale. Et en sa qualité de coprésidente du Groupe de Minsk, la France est un des trois pays médiateurs dans ce conflit, aux côtés des États-Unis et de la Russie. A ce titre, elle ne doit surtout pas céder aux sirènes communautaristes et partisanes.

En tant que président du groupe d’amitié France-Caucase du Sénat, j’ai pu constater que l’Azerbaïdjan est un pays, certes à majorité musulmane, mais qui avec des valeurs de laïcité exemplaires, fait coexister les trois religions du livre, dans la paix et la concorde. J’ai pu y entendre les cloches sonner le dimanche. La Géorgie chrétienne voisine est un pays où l’amitié traverse les frontières.

Nous souhaitons que la France assume ses responsabilités historiques et agisse en médiatrice objective en vue d’établir une paix juste et pérenne. Elle doit intervenir pour faciliter la conclusion de l’accord de paix dans le respect le plus strict du droit international, des résolutions des Nations unies et des populations locales, quelles que soient leurs origines ethniques et religieuses. L’équilibre dans le Caucase comme celui du Moyen-Orient que vous connaissez bien est fragile et instable, il serait sage à l’instar de Montesquieu dans les lettres Persanes, de l’aborder avec une main tremblante.»

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