« La musique peut exprimer l’indicible », nous dit le compositeur Pierre Thilloy.
«La soirée, organisée par le Cercle européen d’Azerbaïdjan aujourd’hui à l’Odyssée, nous apprendra, par un documentaire, le massacre de Khodjaly, perpétré en
1992. Grâce à la musique de Pierre Thilloy, nous pourrons mesurer les souffrances qu’il a causées.
La plupart des Européens de l’Ouest devront avoir recours à une recherche internet, pour en savoir plus sur ce massacre, commis le 26 février 1992, lors du conflit pour la possession du Haut-Karabakh, entre Arméniens et Azerbaïdjanais. « Khodjaly » ou « Khojaly », peu importe le mot-clé, traduit la mort de 613 Azerbaïdjanais,
hommes, femmes et enfants, massacre attribué aux forces arméniennes du Haut-Karabakh.
Une responsabilité, toujours âprement disputée, entre les deux peuples, comme si, plus de deux décennies après que les armes se sont tues, la parole ne peut toujours pas sortir du silence qu’elles lui ont imposé.
« J’ai découvert cette page de l’histoire, lors de deux résidences d’artiste à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, destinées à explorer les richesses de la musique et de la littérature de ce pays. Les Azerbaïdjanais, pourtant d’une grande hospitalité envers les étrangers, ont mis longtemps à partager ce souvenir avec moi », raconte le compositeur Pierre Thilloy.
« Enfin, devenu amis, une violoniste azerbaïdjanaise m’a demandé si je ne pouvais pas composer une musique à la mémoire des victimes de Khodjaly. Seule une musicienne pouvait formuler une telle demande. Parce que, la musique, contrairement à la parole, ne blessera jamais personne tout en nous touchant plus profondément. Car la musique exprime l’indicible. Elle peut même toucher les Européens de l’Ouest, qui ne se sont jamais préoccupés de cette guerre, hors de leur vision du monde ».
Voilà comment est né son projet artistique, dont Pierre a vite fait d’apprendre le défi qu’il représentait. « Il fallait que mon œuvre, avant même d’être belle, soit perçue comme étant sincère, aux oreilles des Azerbaïdjanais et de tous les autres. L’essentiel n’est pas tant de savoir qui a commis quoi, mais la souffrance des survivants.
« Khodjaly 613 » est une pièce qui existe en trois versions et qui sera interprétée, après la projection du documentaire «Un couloir sans fin», réalisé par Alexandras Brokas, par le quatuor à cordes Pandora, avec violon solo et clarinette. Après une ouverture qui annonce aux auditeurs qu’ils entendront l’évocation d’un drame, ils feront la connaissance de thèmes populaires de la musique azerbaïdjanaise, lors du deuxième mouvement. Pour la finale, je me suis laissé inspirer par des liturgies de toutes les religions.
Pour libérer la parole, élever le débat au-dessus de ce monde, que nous croyons rempli d’ennemis », conclut le compositeur, directeur artistique de l’Orchestre des concerts Lamoureux à Paris et directeur général du festival « De soie et de feu », où il défend le répertoire de son pays de cœur, l’Azerbaïdjan.