L'armée française officialise l'espace comme terrain stratégique

  24 Juillet 2020    Lu: 1285
 L AFP

Et maintenant, l’espace. L’armée française a ajouté ce vendredi à ses attributions fondamentales un nouveau terrain d’opération, plus vaste que tous les autres réunis et objet de convoitises internationales.

L’état-major de l’armée de l’air est devenu état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace, un vocable qui désigne une nouvelle frontière.

Dans un entretien avec le quotidien La Provence, la ministre des Armées Florence Parly évoque le "passage d’une vision d’un espace 'bien commun', au service de la science, à un espace dans lequel les puissances continuent de se disputer la suprématie mondiale".

Les développements des derniers jours le confirment : la Chine a lancé ce jeudi une sonde pour Mars, les Emirats arabes unis ont propulsé ce lundi la leur baptisée Espoir, pour la première mission spatiale arabe, et les Etats-Unis en lanceront une aussi, nommée mars 2020, le 30 juillet.

Mais les ambitions des uns et des autres ne se limitent pas à l’exploration. En mars 2019, L’Inde a rejoint le club très fermé des nations capables d’abattre par un tir de missile un satellite dans l’espace.

Et jeudi, le Commandement spatial américain a affirmé avoir "des preuves" que Moscou avait "conduit un test non-destructeur d’une arme anti-satellite depuis l’espace" le 15 juillet. Un incident qui rappelle un autre, survenu en 2017, au cours duquel le "satellite-espion" russe Louch-Olympe avait tenté de s’approcher du satellite militaire franco-italien Athena-Fidus.

Depuis, Paris a réagi. "Nous ne sommes en aucun cas engagés dans une course aux armements", affirme Florence Parly, en réaffirmant l’attachement de la France à un "usage pacifique de l’espace". Mais "il est également de ma responsabilité d’être certaine d’avoir parfaitement identifié les menaces auxquelles notre pays est potentiellement confronté".

La France va donc s’équiper en satellites patrouilleurs capables de "détecter, caractériser et attribuer à leurs auteurs ce type de manœuvres inamicales". Elle se dotera de caméras à 360 degrés et de "lasers de puissance" pour tenir à distance ou éblouir "ceux qui tenteraient de s’approcher trop près". L’an passé, une source gouvernementale avait aussi fait état à l’AFP de "mitrailleuses à même de casser les panneaux solaires d’un satellite à l’approche".

"On est en train de changer de monde en matière spatiale", dit-on au cabinet de la ministre. "L’espace est, de plus en plus, un domaine de compétition, un domaine contesté et potentiellement un domaine d’affrontements. Il devient totalement essentiel au bon fonctionnement d’une société".

Une loi, que le ministère espère faire adopter d’ici début 2021, intégrera juridiquement la nouvelle appellation. Mais il n’était plus question d’attendre.

Basé à Toulouse, le grand commandement de l’espace comprendra un effectif de 200 personnes au départ, 500 en 2025. Le sujet va monter en puissance dans les enseignements des écoles militaires. Et les investissements du secteur passeront de 3,6 milliards d’euros, prévus initialement dans la loi de programmation militaire (2019-2025) à 4,3 milliards.

Avec ses deux milliards d’euros d’investissements annuels dans le spatial militaire et civil, l’Hexagone reste cependant encore loin du trio de tête : 50 milliards pour les États-Unis, 10 pour la Chine et 4 pour la Russie, selon des chiffres du gouvernement français.

Mais si pour l’heure, Paris semble s’interdire d’attaquer dans l’espace et de frapper sur terre depuis le cosmos, la ministre revendique le droit d’y "développer des moyens d’autodéfense".

La suite reste à inventer. Les hautes instances militaires sont convaincues que les enjeux stratégiques iront croissants. "L’espace étant à la fois un enjeu économique majeur et un milieu essentiel à la supériorité militaire, la compétition devient confrontation", constatait début 2019 le général Michel Friedling, à la tête du commandement interarmées de l’Espace.

"Tout conflit de haute intensité, impliquant une puissance dotée de capacités spatiales de premier rang, s’étendra inéluctablement à l’espace".

Afp


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