Europe-Azerbaïdjan: pourquoi la rupture serait une erreur

  08 Octobre 2015    Lu: 775
Europe-Azerbaïdjan: pourquoi la rupture serait une erreur
Quand on pense aux intérêts bien compris de l`Europe, on comprend qu`un voisinage de l`UE en paix, et une relation diplomatique privilégiée avec les pays clés de ce voisinage, est tout simplement primordial. On a rappelé ailleurs que, ces derniers temps, la stabilité du Caucase du Sud était en danger, et que la Russie jouait avec cette situation pour confirmer son influence. Rien de choquant, une technique classique de grande puissance traditionnelle voulant affirmer sa domination régionale: Moscou se sert des tensions entre Azerbaidjanais et Arméniens pour dominer le Caucase du Sud. Efficace sur le court terme, mais dangereux sur le plus long terme, quand on s`intéresse d`abord à la paix dans la région.

L`Union Européenne est sensée être une puissance différente, évitant les écueils des grandes forces classiques, adeptes de l`emploi de la force. Une bonne chose quand on voit ce que la force a donné en Irak et en Libye. Mais les élites européennes semblent penser que le monde est comme le territoire de l`UE, vivant une sorte de Fin de l`Histoire tranquille... C`est ce qui explique, sans doute, la résolution adoptée par le Parlement européen du 10 septembre 2015. Elle semble ne pas prendre du tout en compte la politique russe dans la région. Elle cible fortement l`Azerbaïdjan au nom des droits de l`Homme.

Certains applaudissent cette décision. Le fait que cette politique jette de fait les Azerbaidjanais dans les bras des Russes ne semble pas être pris en compte. Par ailleurs, on peut honnêtement questionner la solidité d`une argumentation justifiant la position du Parlement européen au nom des droits de l`homme.

Défendre ces derniers est bien sûr une noble entreprise. Mais on est en droit de se poser la question : pourquoi cibler certains Etats plutôt que d`autres? L`UE compte-t-elle, demain, mettre la pression sur l`Arabie Saoudite, par exemple? La coalition dirigée par ce pays fait un carnage au Yémen et choque le monde entier en voulant décapiter puis crucifier un jeune homme de la minorité chiite juste pour avoir participer à une manifestation pacifique... L`Europe est-elle prête au bras de fer avec Riyad? Non? C`est bizarre: des députés européens disent que cette résolution contre l`Azerbaïdjan permet de prouver que l`Europe ne sacrifie pas les valeurs européennes à nos besoins en gaz. Mais il semblerait que pour nos besoins en pétrole, on laisse les Saoudiens agir comme bon leur semble. Pour certains Etats, les valeurs dites "européennes" sont très vite oubliées.

L`Europe est, comme le reste du monde occidental, dans une logique d`hypocrisie quand il s`agit d`évoquer les droits de l`Homme. On peut le regretter, mais c`est ainsi: c`est vrai, l`Europe importe pas moins de 3 millions de barils de pétrole par jour venant du Golfe. Donc quand il s`agit du Koweït, de l`Arabie Saoudite, ou des Emirats, le pragmatisme l`emportera toujours sur les "valeurs". Ce qui rend la résolution du 10 septembre bien moins louable. L`UE et ses membres fonctionnent selon une logique de deux poids, deux mesures. Cette façon de faire de la diplomatie n`aide pas à l`avancement des droits de l`Homme et qui nous fait perdre des points au niveau géopolitique.

L`Azerbaïdjan n`est certes pas un pays parfait. Mais comme l`a dit par exemple Jean-Marie Bockel, Sénateur du Haut-Rhin, lors d`un séminaire organisé par l`IRIS en 2014, il faut éviter une vision statique de cette nation. On a le droit de pointer du doigt les problèmes. On doit aussi se rappeler la situation historique de ce pays post-soviétique et les progrès qui ont pu être faits depuis son indépendance. Au lieu de prendre de haut les pays non-européens, il serait plus intelligent d`engager et d`inciter, par la persuasion diplomatique, par le soft power, nos partenaires à changer les politiques qui nous dérangent. Le respect a plus de chance d`avoir un impact, aujourd`hui, que l`emploi abusif et hypocrite du `droit-de-lhommisme`.

Tout ce qu`a permis la résolution pour l`instant, c`est de créer un fossé entre Azerbaïdjan et Europe. Exemples de ce fait: l`Azerbaïdjan a quitté l`Euronest, l`Assemblée rassemblant des membres du Parlement européen, et parlementaires du Caucase du Sud, d`Ukraine, de Moldavie, et du Belarus. La visite d`une délégation de la Commission européenne venant discuter d`un partenariat stratégique lié à l`importante question énergétique s`est trouvé annulé par les Azerbaidjanais.

Une situation un peu gênante quand on sait que l`Azerbaïdjan pourrait être un pays clé pour la diversification énergétique de l`Europe. Comment peut-on, d`un côté, vouloir faire pression sur la Russie, sans chercher à avoir les moyens d`être moins dépendants de son pétrole et surtout de son gaz? Les Parlementaires européens qui s`en sont pris à l`Azerbaïdjan semble ne pas avoir pris en compte cette donnée fondamentale...

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