South Stream : le projet de gazoduc avorté
En décembre 2014, alors que le conflit ukrainien – qui oppose loyalistes et pro-russes dans la région du Donbass – dure depuis déjà plusieurs mois, Vladimir Poutine décide de mettre un terme au projet de gazoduc South Stream, qui devait relier la Russie à l’Union européenne (UE). La crise diplomatique qui oppose Moscou et Bruxelles aura été fatale à ce projet estimé à 40 milliards de dollars. « Nous pensons que la position de l’Union européenne n’est pas constructive, a indiqué le président russe. En fait, plutôt que de soutenir le projet, la Commission européenne y a fait obstacle ». Le gazoduc devait atteindre 3 600 kilomètres et aurait permis de fournir jusqu’à 63 milliards de mètres cubes annuels de gaz sibérien aux pays européens. A titre de comparaison, la France a consommé 36 milliards de mètres cubes de gaz en 2014. Une source importante donc, qui s’est tarie du jour au lendemain. Représentant 30 % des importations européennes, l’approvisionnement en gaz russe est aujourd’hui instable et compter sur le rétablissement des relations avec Moscou est insuffisant. Une nouvelle voie semble pourtant s’ouvrir au nord, avec le projet de gazoduc Nord Stream 2, soutenu par l’Allemagne contre l’avis de plusieurs membres de l’Union européenne.
Un accord signé le 4 septembre dernier entérine la construction du deuxième tronçon du gazoduc Nord Stream ralliant la Russie et l’Allemagne sous la mer Baltique. Un projet vigoureusement combattu par les États membres de l’est – Pologne, Slovaquie, Bulgarie, Hongrie –, qui n’y voient rien moins qu’une manigance de Berlin pour retisser des liens privilégiés avec Moscou, au moment où la chancelière Angela Merkel est censée prendre fait et cause pour Kiev. Une stratégie énergétique bien différente de celle promue par Bruxelles, qui préfèrerait voir ses troupes groupées derrière « l’Union européenne de l’énergie » plutôt que de s’éparpiller de la sorte. Pour en finir avec la dépendance au gaz russe, le plan d’action pour la diplomatie énergétique de l’Union européenne, lancé en juillet 2015 par Federica Mogherini, représentante de l’UE aux affaires étrangères, prévoit la diversification des sources d’approvisionnement énergétique des Etats membres.
Azerbaïdjan : nouvel allié de l’Union européenne en matière d’énergie
Les projets de corridor gazier du Sud et d’élargissement des gazoducs du Caucase du Sud – transanatolien (TANAP) et transadriatique (TAP) –, s’étendraient sur une longueur d’environ 3 500 km entre l’Azerbaïdjan et l’UE. Plus grande chaîne de gazoducs en construction au monde, ils représentent une alternative crédible au gaz russe, et une bonne nouvelle pour l’Etat caucasien : la croissance s’en trouvera boostée, tandis que Bakou assure à lui seul plus de 80 % du PIB des trois pays de la région (Azerbaïdjan, Arménie et Géorgie). L’Etat azéri a entamé une longue diversification de son économie il y a plusieurs années ; le président Ilham Aliyev souhaite porter ses efforts un cran plus loin, et propose un plan ambitieux de privatisations des entreprises publiques du secteur pétrolier, assez durement impactées par la chute du cours du baril. Une stratégie que Bruxelles se dit prête à accompagner : « L’Union européenne soutient les réformes menées par le président Ilham Aliyev, y compris des démarches faites pour la diversification de l’économie du pays et suit avec attention le processus de la privatisation », s’est exprimée l’ambassadrice pour l’UE en Azerbaïdjan.
En attendant, plusieurs pays de l’UE ont d’ores et déjà salué le projet de gazoduc alternatif, en particulier les pays voisins du géant russe, qui ne rêvent que de s’extraire de son joug. Le président letton, Raimonds Vejonis, s’est ainsi exprimé en faveur de « la poursuite de la coopération dans le cadre du programme de partenariat oriental pour le renforcement des liens entre l’UE et l’Azerbaïdjan ». Et si le gazoduc était celui de l’entente pérenne entre les États membres, vers une vraie politique commune de l’énergie ?
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