La Chine veut créer un champion des moteurs d’avion
Le projet fait l’objet de rumeurs récurrentes depuis des années. Signe que Pékin a décidé de passer de la parole aux actes, trois filiales du géant chinois Avic (Sichuan Chengfa Aero-Science, Avic Aviation Engine et Aero-Engine Controls) impliquées dans les moteurs aéronautiques ont suspendu en octobre leur cotation, en annonçant qu’elles allaient changer de chapelle. Pour Miao Yu, le ministre de l’Industrie, c’est « un des projets les plus importants » du pays et il sera mis en place « en urgence ».
Un retard criant
Le pouvoir de toute façon ne peut plus attendre : si les ingénieurs maîtrisent l’espace ou le nucléaire, dans l’aérien, en revanche, le retard en matière de propulsion est d’au moins vingt ans. Les décideurs « ont cru qu’ils pourraient acquérir la technologie en la copiant ou via des accords de licence », explique un autre professionnel de l’aéronautique. Faute de réussir, ils n’ont plus « d’autre choix que d’avancer tout seul. » Car aucun des pays qui fabriquent des moteurs n’accepte de coopérer dans un domaine aussi sensible.
L’exemple le plus criant du retard chinois, c’est le monocouloir C919, dont le premier vol est attendu cette année. Pour le concevoir, Comac, l’entreprise chargée du projet, a engagé un grand nombre de coopérations avec des fournisseurs occidentaux. Mais pour ce qui est du moteur, la décision a été vite prise de procéder par achat sur étagère. En l’occurrence, le choix s’est porté sur le Leap-X du tandem franco-américain Safran-GE, la dernière version du CFM-56 qui équipe tous les Boeing 737, et un peu plus d’un A320 sur deux.
De gros moyens
Comme ils ne partent pas de rien, les Chinois sont en mesure de produire un équivalent au CFM, mais d’une génération assez ancienne, estiment les spécialistes. Les lacunes en termes de matériaux avancés (céramiques, fibre de carbone) s’ajoutent à la complexité inhérente à un moteur d’avion, sans oublier l’apprentissage très lent en matière de fiabilité et de certification. Du côté militaire, ce n’est pas mieux puisque la Chine est dépendante de la Russie pour ses J-20 ou J-31, les deux avions de combat soi-disant furtifs.
D’où le projet de rassembler instituts de recherche, bureaux d’études et usines éparpillés dans le pays pour en faire un Snecma ou un Pratt & Whitney chinois, même s’il faudra quinze ans, voir davantage, avant de pouvoir se hisser au niveau des Occidentaux. Les détails qui circulent font état d’une quarantaine d’entités regroupées au sein de trois divisions : civil, militaire et turbines terrestres. Le découpage ne sera pas simple et prendra du temps.
Le futur champion industriel partira richement doté, avec plus de 110 milliards de yuans d’actifs, soit 15 milliards d’euros, enrichis de 35 milliards apportés par Avic et le gouvernement. Evoquant le projet il y a quelque temps, Lin Zuoming, le patron d’Avic, avait mis en avant l’insuffisance d’argent consacré à la propulsion aéronautique pour expliquer les retards du pays