L’UE cherche un arbitre entre la zone euro et le marché unique

  10 Février 2016    Lu: 1066
L’UE cherche un arbitre entre la zone euro et le marché unique
Membres et non-membres de la zone euro ont toujours bien collaboré par le passé. Mais les craintes du Royaume-Uni sur l`avenir de cette cohabitation rendent nécessaire la mise en place d`une instance d`arbitrage en cas de conflit.
Dans ses demandes phares pour renégocier l’adhésion du Royaume-Uni dans l’UE, le Premier ministre britannique, David Cameron, exige la « protection [de l’accès au] marché unique pour la Grande-Bretagne et les autres pays en dehors de la zone euro ».

Comparé à sa demande de suppression des aides sociales pour les travailleurs européens vivant au Royaume-Uni, son appel à plus de protection pour le marché unique est réalisable.

Selon certains experts du secteur financier, la relation entre les membres de la zone euro et les non-membres n’a jusqu’à présent causé aucun problème majeur. « Nous n’avons jamais eu beaucoup de problèmes », a estimé Sebastien de Brouwer, directeur des affaires sociales, économiques, commerciales et juridiques à la Fédération bancaire de l’Union européenne.

Du point de vue des assurances, le fait que les partenaires de la zone euro aient tissé des liens plus étroits depuis la crise financière n’est pas inquiétant, a indiqué une source sous couvert de l’anonymat.

Certains groupes de réflexion sont d’accord. « Jusqu’à présent, la cohabitation de l’euro et d’autres devises n’a jamais mis en danger le marché unique », conclut un document récemment publié par Bruegel.

Pied d’égalité

Certaines décisions ont permis d’aplanir les différences entre le Royaume-Uni et les partenaires de la zone euro dans des domaines où des frictions commençaient à émerger.

D’abord, il y a eu l’union bancaire. Londres craignait d’être mise à l’écart par les membres de la zone euro au sein de l’Autorité bancaire européenne (ABE), une autorité de contrôle, puisque tous les partenaires étaient étroitement connectés grâce au mécanisme de surveillance unique (MSU), un des piliers de l’union bancaire.

Les États membres ont alors accepté de modifier les règles de vote de l’ABE pour dissiper les inquiétudes du Royaume-Uni. L’objectif était de mettre les pays concernés par le MSU et les autres sur le même pied d’égalité pour éviter de nuire au marché unique. Ainsi, grâce au nouveau système de vote, la majorité qualifiée devait être constituée d’au moins une majorité simple d’États membres et non membres de la zone euro.

Une autre victoire importante pour Londres a été le jugement rendu par la Cour de justice de l’Union européenne sur les chambres de compensation. La BCE affirmait que ces institutions, qui facilitent les transactions d’actions et autres actifs, devraient être basées dans la zone euro si elles gèrent plus de 5 milliards d’euros de titres libellés en euros. Une décision qui aurait représenté un coup dur pour la City de Londres, en tant que centre d’échange d’actifs libellés en euros.

Fort heureusement pour elle, la Cour européenne de justice a décidé que la BCE n’avait pas « les compétences nécessaires » pour imposer cette décision.

Selon des experts britanniques, le verdict de la Cour a mis en évidence que « le marché unique [devait] être respecté et commencer à imposer des limites aux actions de la zone euro », a déclaré Raoul Ruparel, codirecteur d’Open Europe.

Protection du marché unique

La débâcle financière et la crise économique de 2008 ont déclenché un processus d’intégration dans la zone euro qui pourrait maintenant affecter le marché unique. Pour David Cameron, il est temps de protéger le marché unique contre tout dommage collatéral pouvant émerger de ce resserrement de liens entre les membres de la zone euro.

« Nous voulons nous assurer que ces changements respecteront l’intégrité du marché unique et les intérêts légitimes des pays n’appartenant pas à la zone euro », a déclaré David Cameron dans une lettre fin novembre. Même s’il ne cherchait pas à obtenir de veto, il a appelé à des « principes juridiquement contraignants » et à un « mécanisme de sauvegarde » pour garantir le respect des principes.

« Sans accord, de sérieux différends économiques et politiques pourraient émerger », affirme le rapport de Bruegel.

Les institutions européennes cherchent donc à savoir quel mécanisme pourrait à la fois assurer la protection des intérêts des quelques États en dehors de la zone euro et éviter la menace de leur véto sur les membres de la zone euro.

Dans sa réponse aux demandes de David Cameron, Donald Tusk explique que les conditions pour la mise en place d’un mécanisme de règlement des différends « doivent être mieux examinées ».

Donald Tusk cherche à trouver un moyen d’agir conformément au traité existant. Pour le directeur de Bruegel, Guntram Wolff, le cadre réglementaire existant ne permet toutefois pas de faire grand-chose.

Instance d’arbitrage

Certaines grandes voix européennes, comme Jean-Claude Piris, pensent à la Cour de justice de l’Union européenne comme potentielle instance d’arbitrage. Une idée qui serait peu appréciée par Londres. Dans sa lettre, Donald Tusk a quant à lui émis l’idée du Conseil européen.

Entre temps, pour Guntram Wolff, certaines mesures peuvent être prises pour améliorer les relations de travail entre les membres de la zone euro et les non-membres. Une possibilité est de programmer la réunion des ministres des Finances de la zone euro (Eurogroupe) après que tous les ministres européens des Finances se soient rencontrés (Ecofin), plutôt que le contraire, comme c’est le cas actuellement.

« C’est un changement très pratique, mais très pertinent, car un grand nombre des sujets discutés à l’Ecofin ont déjà été discutés et même approuvés lors de l’Eurogroupe », a-t-il estimé.

Cette idée avait déjà été avancée par Jean Pisany-Ferry, conseiller du Premier ministre français, Manuel Valls, mais elle pourrait avoir des difficultés à faire son chemin.

Un haut responsable de l’EU a qualifié le système actuel de « stable » et affirmé que pour l’instant, aucune proposition n’avait été faire pour changer le statu quo.

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