L`Europe durcit les contrôles sur la pollution automobile

  09 Février 2016    Lu: 1108
L`Europe durcit les contrôles sur la pollution automobile
La Commission européenne publie une proposition de règlement qui encadre plus sévèrement les mesures de pollution des véhicules en circulation. Dans le même temps, le Parlement européen donne plus de temps aux constructeurs pour respecter les normes en vigueur.

Aujourd’hui, l’homologation des voitures est de la responsabilité des Etats. Si l’un des 28 membres assure qu’un modèle respecte bien les normes européennes, celui-ci peut rouler partout en Europe. Sans revenir sur ce principe, la Commission propose d’améliorer l’indépendance et la qualité des tests autorisant la mise sur le marché d’une voiture notamment en coupant le lien financier entre les constructeurs et les services techniques d’homologation. Dans de nombreux Etats, ce sont en effet les marques automobiles qui paient les centres de mesure de la pollution. La Commission dénonce ce conflit d’intérêt. Les sociétés d’homologation (en France l’Utac-Ceram) seront par ailleurs soumises à des exigences techniques plus importantes et seront auditées par des organismes indépendants. Les Etats devront faire des tests d’émissions sur des véhicules en circulation pour détecter plus précocement des non-conformités. La Commission s’arroge de son côté le droit de suspendre des centres d’homologation trop laxistes. Elle effectuera elle-même des vérifications sur les véhicules via son Centre commun de recherche d’Ispra (Italie) et pourra même décider de rappeler des classes entières de véhicules non conformes. Des sanctions financières sont prévues si un constructeur fait rouler sur le territoire européen des voitures non conformes. Il s’agit d’un réel tour de vis sur le contrôle des émissions des voitures. Ces mesures sont en tout cas saluées par l’ONG "Transport et environment" qui y voit une grande avancée dans la réduction de la pollution par les transports terrestres.

Mais alors, qu’a voté le Parlement européen?

Le fait que la Commission ait présenté ces mesures de long terme a incité les parlementaires européens à ne pas s’opposer à une proposition visant à donner des délais supplémentaires aux constructeurs pour s’adapter aux nouvelles méthodes de mesure des polluants. Quand on édicte une norme, il faut pouvoir la faire respecter. C’est tout le drame de la pollution de l’air par les transports. Pour tester les émissions, la technique consistait jusqu’à présent à faire rouler une voiture sur un banc d’essai dans des conditions n’ayant qu’un très lointain rapport avec l’utilisation d’un véhicule en conditions réelles. Le scandale Volkswagen a révélé ce qui était un secret de polichinelle dénoncé par les ONG comme "Environment and Transport": les constructeurs trichent sur la réalité des émissions de leurs véhicules. Volkswagen a été encore plus loin que la simple minoration sur banc d’essai en utilisant un logiciel pirate. La découverte de la fraude a amené les pouvoirs publics à imposer des essais sur une centaine de véhicules de toutes marques soumis à des essais en conditions de conduite réelle. Les résultats sont attendus pour la fin mars, mais d’ores et déjà on sait que les émissions sont quatre à cinq fois supérieures aux exigences de la norme Euro 6 en vigueur.

Est-ce qu’il est possible aujourd’hui de produire des voitures qui respectent Euro 6? Les Etats, et depuis la semaine dernière le Parlement européen, ont répondu par la négative en accédant aux demandes des constructeurs qui réclamaient un délai supplémentaire. Jusqu’en 2017, leurs nouveaux modèles pourront dépasser de 110% la norme de 80 milligrammes par kilomètre (mg/km), soit une latitude de 168mg/km. Cette largesse sera réduite à 50% en 2019. Ce faisant, les députés et les ministres européens renoncent à faire appliquer un règlement de 2007.

Comment en est-on arrivé là?

Depuis 1990, l’Union européenne impose des normes d’émissions des véhicules de plus en plus drastiques. Ainsi Euro 6 est entré en vigueur en septembre 2014. Elle représente une diminution de 98% des oxydes d’azote (NOx) en un quart de siècle. Les autres polluants concernés (monoxyde de carbone, hydrocarbures imbrûlés, particules fines) ont connu des baisses similaires. Les Etats-Unis et le Japon imposent des normes d’une sévérité similaire.

Les nouvelles technologies comme le pot catalytique, les pièges à NOx, le SCR permettent bien de réduire les émissions. Il est heureux qu’une voiture sortant aujourd’hui des chaines de montage soit moins polluante qu’un modèle des années 1990. Mais cela n’est jamais allé sans résistances et lobbying intense auprès de l’Union européenne. Ainsi, au début des années 2000, les constructeurs se sont opposés aux pétroliers, les uns estimant que c’était au niveau de la motorisation qu’il fallait agir, les autres assurant qu’il fallait améliorer les carburants. On est sorti de ce débat il y a dix ans avec un calendrier d’échéances des normes Euro qui laissait en théorie aux constructeurs le temps de la recherche et du développement de nouvelles technologies de dépollution. Il semble que la faiblesse des tests de conformité ait incité à la paresse.

Quelles sont les conséquences sanitaires?

Le vote du Parlement a indigné les responsables des politiques de santé publique. En France, la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal a déploré cet assouplissement du respect des normes. Selon les enquêtes épidémiologiques, la pollution de l’air est responsable en Europe de 400.000 décès prématurés par an. En France, 42.000 personnes meurent prématurément de cette cause et dans les grandes villes, l’espérance de vie des urbains est réduite de neuf mois.

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