Une cellule cancéreuse est, à l'origine, une cellule tout ce qu'il y a de plus normal. Au fil de sa vie et de ses divisions successives, des erreurs s'insinuent dans son génome. Parfois, celles-ci ne sont pas réparées et dégénèrent. La cellule perd son inhibition de contact et prolifère de façon anarchique pour former une tumeur.
Ces cellules anormales n'échappent pas à la surveillance du système immunitaire qui les attaque régulièrement. Néanmoins, certains cancers arrivent tout de même à se disséminer. Une étude parue dans Nature Immunology met en lumière un élément-clé dans la réponse immunitaire anticancéreuse resté dans l'ombre jusque-là : une lignée de lymphocytes T armée pour lutter contre les cancers.
Une lignée cellulaire efficace sur tous les cancers ?
La lignée immunitaire en question a été isolée en laboratoire à partir d'une culture qui contenait à la fois des lymphocytes T et des cellules cancéreuses. L'expansion clonale d'une cellule immunitaire témoigne de son activation par un élément qu'elle reconnaît, ici sur les cellules malignes. Les lymphocytes T en multiplication rapide se révélaient aussi être capables de tuer les cellules cancéreuses.
Mélanome, cancer du poumon, du côlon, du sein..., les scientifiques ont testé une grande variété de cancers qui n'ont pas grand-chose en commun. À chaque fois, les lymphocytes T ont induit une mortalité cellulaire (entre 80 et 100 % selon les cancers). La lignée a été isolée et nommée sobrement MC.7.G5 par les scientifiques. Mais quel est donc cet « interrupteur » présent sur la plupart des cellules cancéreuses qui active les lymphocytes T ?
Schéma récapitulatif de l'action des lymphocytes T via MR1. En haut, le lymphocyte T se lie à MR1, exprimé à la surface de la cellule cancéreuse, grâce à son TCR. Au milieu, la liaison TCR-MR1 active le lymphocyte T et il attaque la cellule maligne. En bas, la cellule cancéreuse meurt et le lymphocyte T est libre. © Université de Cardiff
Un mécanisme de reconnaissance encore flou
Pour le savoir, les scientifiques ont utilisé le ciseau génétique CRISPR pour inactiver un à un les gènes codant pour des protéines dans les cellules cancéreuses jusqu'à tomber sur la protéine qui, par son absence, empêche l'activation des lymphocytes T.
L'interrupteur indispensable à l'activation des lymphocytes T est MR1, une protéine qui fait partie de la même famille de molécules que le CMH (complexe majeur d'histocompatibilité) de classe I. Mais son mode de fonctionnement diffère : il présente un des métabolites produits par la cellule cancéreuse. Les scientifiques ont émis l'hypothèse que c'est ce métabolite qui était reconnu par les lymphocytes T de la lignée MC.7.G5, sans pouvoir l'identifier.
Les expériences complémentaires menées en modèle murin montrent que ces cellules sont capables de contenir la progression du cancer sans pour autant l'éradiquer. Ce n'est donc pas une solution miracle pour vaincre tous les cancers, mais l'esquisse d'une nouvelle voie thérapeutique qui permettra peut-être de soigner des cancers aujourd'hui incurables.
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