François Hollande, un président «normal» pour la Françafrique
La comparaison entre le Congo-Brazzaville, où plusieurs personnes ont trouvé la mort dans les manifestations cette semaine, et le Mali, qui sera l’objet ce jeudi d’une conférence internationale à l’OCDE présidée par François Hollande, est révélatrice du réalisme au sommet de l’Etat français. Sachant que le péril islamiste et l’emprise du crime organisé sur les économies africaines interdisent la non-ingérence que prônait jadis Lionel Jospin, le locataire de l’Elysée entend jouer, dans la zone d’influence de Paris, un rôle d’ultime arbitre plutôt que de faiseur de rois. Au Burkina Faso, où une partie des forces du dispositif sahélien «Barkhane» est déployée, son attitude a consisté à proposer in extremis à Blaise Compaoré de partir, en lui promettant entre autres le poste de secrétaire général de la francophonie. Une promesse en forme de paravent de la part de «Hollande l’Africain» (Ed. La Découverte): «Sur l’Afrique, le président et son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, pratiquent une politique à la fois transparente et cynique juge un officier retraité, vétéran de l’opération «Serval» au Mali. Leur préoccupation essentielle est la stabilité. C’est la Françafrique moins les magouilles politico-financières.»
Les trois exemples de ce réalisme sont le Tchad, la RDC et le Gabon. Dans ces trois pays, les présidents Idriss Deby, Joseph Kabila et Ali Bongo monopolisent le pouvoir et musellent l’opposition. François Hollande avait même, au début de son mandat en octobre 2012, sermonné publiquement Kabila, lui serrant vite la main lors du sommet de la francophonie à Kinshasa. Mais dans les faits, les trois sont devenus indispensables à l’équilibre de la région. Résultat: Idriss Deby s’est même permis, lors du premier Forum sur la paix et la sécurité de Dakar (Sénégal) organisé en novembre 2014, de faire la leçon à la France et d’accuser en public l’OTAN d’avoir «assassiné» le leader libyen Kadhafi.
Preuve de cette approche avant tout militaire, le forum de Dakar aura de nouveau lieu cette année, financé par Paris. Et l’économie de la Françafrique subit aussi le même sort. François Hollande n’a pas, contrairement à Nicolas Sarkozy avant lui, de liens proches avec Vincent Bolloré, acteur major dans les infrastructures portuaires et ferroviaires. Il laisse donc faire, s’assurant que les intérêts vitaux de la France sont préservés du point de vue des approvisionnements pétroliers et des marchés d’équipements. Sur le Continent noir, le président «normal» défend l’ouverture, pas la contestation.