Trente ans de prison pour les commanditaires du pire massacre politique aux Philippines

  19 Décembre 2019    Lu: 1570
Trente ans de prison pour les commanditaires du pire massacre politique aux Philippines

Cinq membres d'un puissant clan local, les Ampatuan, ont été déclaré coupables jeudi du meurtre de 58 personnes en novembre 2009, dans le but de déstabiliser un rival politique.

Les commanditaires du pire massacre politique jamais commis aux Philippines ont été reconnus coupables de meurtres jeudi par un tribunal de Manille, et condamnés à 30 années de réclusion. Andal Ampatuan Junior et quatre autres membres de son clan ont été déclarés coupables du meurtre de 57 personnes dans le sud du pays en 2009. Le corps d'une 58ème victime n'a jamais été retrouvé.

Le 23 novembre 2009, 58 personnes, dont 32 journalistes, qui voyageaient en convoi dans la province de Maguindanao, sur l'île de Mindanao (sud), étaient tombées dans une embuscade. Elles avaient été abattues et leurs corps jetés dans une fosse commune. Il s'agit du pire massacre politique commis dans l'archipel. Le clan Ampatuan, puissante dynastie politique locale, avait très vite été accusé d'avoir orchestré ce carnage.

L'affaire avait suscité l'indignation internationale en mettant en lumière la puissance de potentats locaux intouchables s'affranchissant totalement du respect des règles de l'Etat de droit. Les familles des victimes ont maintes fois dénoncé le caractère interminable d'une procédure judiciaire plombée par des accusations de corruption et endeuillée par des meurtres de témoins.

Ce jugement était très attendu, et notamment celui porté sur les membres de la famille Ampatuan, un clan qui a longtemps dominé la pauvre province de Maguindanao. L'ex-présidente philippine Gloria Arroyo avait autorisé cette famille, en échange de son soutien politique, à constituer une milice privée de plusieurs milliers d'hommes, afin de faire tampon avec l'insurrection musulmane dans cette région.

Actes de vengeance

Les procureurs accusent les Ampatuan d'avoir commis le massacre en plein jour en criblant de balles le convoi qui transportait notamment l'épouse de leur rival Esmael Mangundadatu, plusieurs membres de sa famille, des avocats et des journalistes. Le mobile aurait été d'empêcher Esmael Mangundadatu de se porter candidat au poste de gouverneur, alors aux mains du patriarche Andal Ampatuan Senior. Mangundadatu fut finalement élu gouverneur en 2010 et Andal Ampatuan Senior est décédé en 2015.

Mais quatre de ses enfants viennent d'être condamnés, en particulier Andal Ampatuan Junior, qui ambitionnait de succéder à son père au poste de gouverneur, et était accusé d'être l'un des principaux exécutants du massacre. Tous avaient plaidé non coupables.

Pour Human Rights Watch, l'affaire doit pousser les autorités à lancer une vaste réforme du système judiciaire. «Les Philippines ne doivent pas attendre que soit commis un autre crime aussi odieux que le massacre de Maguindanao pour réformer la justice», a déclaré Phil Robertson, de l'organisation basée à New York.

Il a demandé que les autorités commencent par traquer et arrêter 80 autres suspects actuellement dans la nature, parmi lesquels des policiers véreux et d'autres membres du clan Ampatuan, qui constituent une menace pour la sécurité des témoins et des familles de victimes. Ces dernières redoutent de longue date des acquittements, et les actes de vengeance qui pourraient suivre le cas échéant.

Libéré sous caution en 2015 contre l'avis du parquet, Sajid Ampatuan, un autre fils du patriarche défunt a été l'année suivante élu maire de Shariff Aguak, bastion du clan, et réélu cette année. «L'impunité qui entoure ce massacre en masse de journalistes est d'autant plus insupportable qu'elle résonne, dans l'ensemble du pays, comme un encouragement à la liquidation des reporters qui dérangent les potentats locaux tout-puissants», déclarait de son côté Daniel Bastard, de l'organisation Reporters sans frontières (RSF). «Il en va de la crédibilité de l'Etat de droit philippin. Et du respect envers les familles des reporters assassinés», avait-il déclaré. (AFP)


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