“Honte de prendre l'avion” : comment le “flygskam” est en train de changer nos habitudes

  30 Octobre 2019    Lu: 888
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Le phénomène du “flygskam” ou “flight shame”, la “honte de prendre l’avion”, se répand en Europe comme aux États-Unis. Au point que les prévisions de croissance du trafic aérien doivent être révisées à la baisse.

Selon une enquête de l’Union des banques suisses (UBS), les voyageurs commencent à tourner le dos au transport aérien au nom de la protection de l’environnement, rapporte le site d’information BBC Online. Si le succès rencontré par le phénomène dit du “flygskam” (selon le terme suédois), ou “honte de prendre l’avion”, se confirme, les prévisions de croissance du trafic aérien devront être divisées par deux, affirme UBS.

Sur plus de 6 000 personnes sondées par UBS aux États-Unis, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, 21 % assurent avoir déjà décidé de réduire leurs voyages en avion au cours de l’année écoulée – soit une personne sur cinq. Si 16 % seulement des Britanniques interrogés ont déclaré avoir renoncé à certains déplacements aériens au cours des derniers mois, 24 % des voyageurs américains indiquent avoir déjà changé leurs habitudes. Dans ce même panel, une personne sur trois envisage de ne plus prendre l’avion dans les années à venir.

L’effet Greta Thunberg

Jusqu’à présent, le nombre de vols dans le monde augmentait chaque année de 4 à 5 %, soit un doublement du nombre de voyages aériens tous les quinze ans. Airbus et Boeing tablaient encore récemment sur une croissance au même rythme jusqu’en 2035. Mais l’enquête d’UBS laisse penser que des campagnes comme celle de Greta Thunberg, qui mettent la crise climatique au premier plan, sont en train de provoquer un changement d’habitudes aux États-Unis comme en Europe. Selon UBS, le nombre de vols pourrait augmenter de 1,5 % par an seulement dans l’Union européenne au cours des quinze prochaines années, et de 1,3 % seulement aux États-Unis.

“Jusqu’à quel point devons-nous avoir honte de prendre l’avion ?” s’interroge The New York Times. Le quotidien américain souligne que les deux tiers des vols au départ des États-Unis sont le fait de 12 % seulement des citoyens américains, qui effectuent plus de six voyages aller-retour en avion chaque année. “Chacun de ces voyageurs émet en moyenne plus de trois tonnes de dioxyde de carbone par an, ce qui est considérable.”

Les voyages d’affaires représentent à eux seuls environ 30 % des vols effectués aux États-Unis, et “certaines entreprises se demandent désormais si tous ces voyages sont vraiment nécessaires à l’ère du courrier électronique, de [la messagerie collaborative] Slack et des téléconférences.” En Europe, note The New York Times, “des entreprises accordent des jours de congé supplémentaires aux employés qui choisissent de voyager en train ou d’emprunter des moyens de transport moins polluants que l’avion pour partir en vacances”.

Des initiatives tous azimuts

Dans The Guardian, le journaliste John Vidal, lui-même grand voyageur par goût autant que par nécessité professionnelle, dresse une liste des nouvelles initiatives prises pour encourager divers publics à réduire les trajets aériens.

Aux États-Unis, le site Flying Less, qui s’adresse aux enseignants et aux chercheurs, a par exemple lancé une pétition pour appeler les universités à limiter le nombre des voyages professionnels en avion. Au Danemark, les journalistes du quotidien Politiken ont renoncé aux vols intérieurs et tentent de réduire au minimum indispensable le nombre de vols internationaux. La rubrique Voyage du journal met désormais en avant des destinations accessibles par d’autres moyens de transport – une démarche dont The Guardian entend lui-même s’inspirer. En Suède, une initiative intitulée Flygfritt (“Sans avion”) veut fédérer 100 000 personnes prêtes à s’engager à ne pas prendre l’avion en 2020. 

Au Royaume-Uni, plusieurs organisations, parmi lesquelles Greenpeace, Friends of the Earth et la New Economics Foundation, soutiennent quant à elles l’instauration d’une taxe sur les vols fréquents. “Tout le monde aurait droit à un vol non taxé par an, après quoi une taxe de plus en plus élevée serait appliquée sur les vols supplémentaires. Ainsi, votre premier vol pour rejoindre votre résidence secondaire en Espagne ne vous coûterait rien, mais votre neuvième voyage entraînerait des frais supplémentaires de 60 livres [70 euros].”

Six parlementaires ont déposé une motion en ce sens à la Chambre des communes. Pour le moment, ils n’ont réussi à rallier que deux de leurs collègues, rapporte The Guardian, mais l’idée fait son chemin.

Courrier international


Tags: environnement  


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