Le débat sur l`accueil des migrants rebondit

  21 Octobre 2015    Lu: 580
Le débat sur l`accueil des migrants rebondit
Situation des migrants à Calais, avion spécialement affrété pour les transférer, droit d`asile... La crise migratoire soulève de nouveaux débats et polémiques en France. La presse, elle, diverge entre pragmatisme et indignation.

Galvanisé par les 800 signatures d`intellectuels, écrivains, artistes et militants associatifs, "Libération" exhorte l’État à accueillir dignement les migrants de Calais, n`en déplaise "à une fraction de l`opinion, encouragée par des politiques et des intellectuels de l`intolérance", écrit le directeur de la rédaction du quotidien, Laurent Joffrin.

Les réalisateurs Luc et Jean-Pierre Dardenne et Michel Hazanavicius, les comédiens Omar Sy, Bérénice Bejo et Jeanne Moreau, les musiciens Benjamin Biolay et Abd al Malik, le dessinateur Enki Bilal, l`économiste Thomas Piketty, font notamment partie des signataires. Ils dénoncent "un désengagement de la puissance publique" de ce camp informel, toléré par les pouvoirs publics, qui s`est formé depuis début 2015.

Cette zone concentre "cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice", rappelle le texte, qui évoque également des "viols", des "enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus", des "violences policières presque routinières" et des "ratonnades organisées par des militants d`extrême droite".

De quoi attirer quelques railleries de "Paris-Normandie" : "la démarche est plus que louable, mais qu`espèrent réellement les signataires, si ce n`est se donner bonne conscience?" s`interroge Baptiste Laureau, dans son édito.

Ces artistes "manifestent une préoccupation que j`entends et que je partage", a réagi le ministre de l`Intérieur, Bernard Cazeneuve, mardi lors d`une conférence de presse. "Ils sont la voix d`une France mobilisée, solidaire, généreuse, d`une France qui refuse le repli sur soi et le rejet", a ajouté le ministre, expliquant dans le même temps qu`il se rendrait sur place ce mercredi pour annoncer "les nouveaux moyens que l’État s`engage à mettre en œuvre pour surmonter les difficultés".

Le ministre a rappelé que la "situation à Calais avait pris un tour particulier avec l`accélération de la crise migratoire" puis "710.000 personnes ont rejoint la zone Schengen depuis janvier". Rappelant qu`un doublement des capacités était prévu pour le centre d`hébergement des personnes vulnérables, Bernard Cazeneuve a indiqué que "les travaux débutent cette semaine" pour "une mise à l`abri rapide de 200 femmes et enfants".

La "Jungle" s`est formée à proximité de la rocade portuaire de Calais depuis le début d`année, à la suite de la volonté de la mairie de déplacer les migrants du centre-ville. Le gouvernement a annoncé fin août l`installation de containers permettant de loger 1.500 personnes au sein d`un nouveau camp jouxtant ce centre. Les travaux devraient débuter fin octobre.

Dans un rapport rendu public le 6 octobre, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, avait lui déploré "les difficultés d`accès aux droits fondamentaux des exilés" dans le bidonville de Calais. "Le gouvernement est pris dans ses propres contradictions consistant à tenter, d`une part, de rendre la frontière franco-britannique parfaitement étanche et, d`autre part, d`assurer un minimum humanitaire à des personnes qui sont maintenues contre leur gré sur notre territoire", écrivait l`ancien ministre, rappelant que son rapport a été établi sur la base de "deux missions menées par des agents assermentés en juin et juillet 2015.

Bernard Cazeneuve a vivement contesté ses conclusions, critiquant plusieurs points de ce rapport qui selon lui "méconnaît une situation migratoire exceptionnelle". Le rapport Toubon exposait cependant "le contexte particulièrement délicat" dans lequel les forces de l`ordre interviennent, "parfois source, en effet, de `violences`".

Le site d`information "StreetPress" a également révélé l`existence d`un avion privé (un Beechcraft à hélices), spécialement affrété par l`État, pour déplacer certains migrants de Calais vers des centres de rétention. Une information confirmée ensuite par plusieurs médias. Hervé Favre, de "La Voix du Nord", voit dans ce recours un réel effort de la part du gouvernement. "On ne peut pas (lui) reprocher d`essayer de dissuader les candidats à la traversée impossible en les incitant à faire une demande d`asile en France", juge-t-il.

Les migrants de Calais, qui souhaitent majoritairement passer en Grande-Bretagne, "posent une question à laquelle on ne peut pas, nous, répondre", a estimé mercredi Jean-Marie Le Guen, secrétaire d`Etat aux relations avec le Parlement, sur l`antenne de RFI. "Il n`y a pas de solution, il n`y a que des approches qui sont diverses, qui sont humanitaires, (...) il faut évidemment une aide humanitaire vis-à-vis de ces gens-là, mais en même temps, nous n`avons pas la réponse juridique à leur demande, ni même à leur souhait, puisqu`elles ne souhaitent pas rester sur le territoire français tout en y étant", a-t-il insisté.

Le secrétaire d`État a écarté la réouverture d`un centre d`accueil comme celui de Sangatte, "où on laisse des milliers de personnes stationnées, avec la non-volonté de demander quelque chose à la France et l`espoir d`obtenir quelque chose de la Grande-Bretagne, que la Grande-Bretagne ne veut pas leur donner". Ouvert en 1999, le centre de Sangatte, géré par la Croix-Rouge avait rapidement été en surcapacité, avec 2.000 personnes accueillies contre 800 prévues initialement. Il avait été fermé en 2002.

Dans "Les Dernières Nouvelles d`Alsace (DNA)", Didier Rose, se demande "si, en matière de politique d`asile, il y a un pilote dans l`avion". Car "Le Monde" rapporte les chiffres édifiants d`un rapport de la Cour des Comptes. "Le taux d`exécution des obligations de quitter le territoire français, notifiées aux personnes déboutées du droit d`asile, est de 6,8%. (...) In Fine, plus de 96% des personnes déboutées resteraient en France".

Des chiffres qui interpellent Raymond Couraud dans "L`Alsace" : "la politique française du droit d`asile est aussi couteuse qu`inefficace, si l`on en croit le rapport (...). Les dépenses liées à la politique du droit d`asile viennent s`ajouter aux contributions que la France verse à l`Europe pour gérer, plutôt mal que bien, le flot incessant de réfugiés qui frappent à nos portes".

Pour Jean-Françis Pécresse des "Échos", créer un nouveau statut de `réfugié climatique` ne serait donc qu`un égarement supplémentaire. "La proposition de loi écologiste que doit en principe examiner le Sénat ce mercredi part d`une bonne intention (...) mais plutôt qu`une nouvelle convention inapplicable, la communauté internationale à mieux à leur offrir: un cadre regroupant les services de base à apporter aux réfugiés, du Nord comme au Sud".

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