Le nuage radioactif détecté fin 2017 en Europe provenait bien du complexe nucléaire russe de Maïak

  01 Août 2019    Lu: 768
Le nuage radioactif détecté fin 2017 en Europe provenait bien du complexe nucléaire russe de Maïak

L’usine de retraitement du combustible nucléaire russe de Maïak est responsable des rejets détectés fin 2017 dans le ciel européen, affirme un groupe de scientifiques.

C’est la fin d’un mystère qui aura duré un an et demi. Fin 2017, un étrange nuage radioactif a été détecté en plusieurs endroits du ciel européen. Si la Russie était fortement suspectée, son origine exacte n’avait pu jusque-là être déterminée avec précision. Mais un groupe de chercheurs apporte aujourd’hui de nouveaux éléments. Cette présence de ruthénium-106 – un produit de fission issu de l’industrie nucléaire – provenait bien selon eux de l’usine de retraitement du combustible nucléaire russe de Maïak, déjà suspectée à l’époque, rapporte « l’Express ».

Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs du « ring of five », un réseau informel reliant les stations européennes de surveillance des matériaux radioactifs dans l’atmosphère, ont notamment analysé la piste des vents les plus irradiés, arrivés en Roumanie fin septembre 2017. Ils se sont alors rendu compte que ceux-ci étaient passés proche de ce complexe nucléaire russe, les 25 et 26 septembre. Ils ont ensuite testé et invalidé les autres sources potentielles de pollution :

- la possibilité d’un accident de réacteur, étant donné que seul le ruthénium était présent dans l’air, sans autres radionucléides

-un rejet issu d’un dispositif médical incinéré, l’ordre de grandeur de la fuite de ruthénium étant trop important

-la thèse russe, émise à l’époque, du retour sur Terre d’un satellite qui utiliserait une pile à combustible atomique, y compris en raison de l’importance de la fuite

Leur conclusion : ce nuage radioactif ne peut avoir pour origine qu’un incident de retraitement de combustible jeune.

« Funeste renommée »

De très forts soupçons pesaient dès le début de cette affaire sur la Russie. En novembre 2017, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui avait détecté des niveaux anormaux de ruthénium 106 un peu partout dans l’atmosphère dans le sud-est de la France (stations de La Seyne-sur-Mer, Nice et Ajaccio), avait réalisé des simulations afin de localiser la zone de rejet, d’évaluer la quantité de ruthénium rejetée ainsi que la période et la durée de rejet.

A partir des conditions météorologiques fournies par Météo France et des résultats de mesure disponibles dans les pays européens, l’IRSN concluait qu’il était impossible de « préciser la localisation exacte du point de rejet », mais estimait que « la zone de rejet la plus plausible se situait entre la Volga et l’Oural ». L’hypothèse d’un accident survenu dans l’usine de retraitement des combustibles de Maïak avait alors rapidement été formulée.

Mais la Russie avait formellement démenti le moindre accident : « Les entreprises de Rosatom n’ont rien à voir avec la fuite du ruthénium-106 », avait affirmé l’agence nucléaire début novembre 2017, malgré les rapports des réseaux européens. A l’inverse, l’agence de météorologie du pays, Rosguidromet, avait reconnu qu’une concentration « extrêmement élevée » de ruthénium-106 avait été détectée fin septembre dans plusieurs régions de Russie, entre le 25 septembre et le 1er octobre.

Le taux le plus élevé avait été enregistré par l’agence dans la station d’Arguaïach, un village proche de la capitale régionale Tcheliabinsk (1,2 million d’habitants), où « une concentration extrêmement élevée »de ruthénium-106, « excédant de 986 fois » les concentrations enregistrées le mois précédent, a été détectée. Or, Arguaïach est située à 30 kilomètres du vaste complexe nucléaire de Maïak…

Ce complexe est de « funeste renommée », rappelle « l’Express ». Y est en effet survenue en 1957 une catastrophe peu connue mais considérée comme le troisième accident nucléaire le plus grave de l’Histoire, « après ceux de Tchernobyl et Fukushima ». Un réservoir avait explosé, libérant dix fois plus de ruthénium 106 qu’en 2017 et de nombreux autres éléments radioactifs. Près de 10 000 personnes avaient dû être évacuées. 

L’OBS


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