En Turquie, la répression s`abat désormais sur la justice
Les juridictions du pays en colère
Toujours est-il que Tahir Elçi a été interrogé durant plus de deux heures. Il est frappé d’une interdiction de sortir du territoire national et reste inculpé de propagande terroriste, il risque quinze ans de prison. Utilisant son droit à exprimer une opinion, il a réitéré son point de vue à la sortie du tribunal, à savoir que « le PKK, bien qu’utilisant parfois des méthodes terroristes, n’est pas une organisation terroriste mais un mouvement politique armé bénéficiant d’un large soutien populaire ». La date du procès n’a pas encore été fixée.
C’est la première fois dans l’histoire du pays, en dehors du coup d’Etat de 1980, qu’un juriste de ce rang est arrêté en Turquie, ce qui dénote, a réagi Human Rights Watch, l’état de déliquescence et d’instrumentalisation de la justice dans ce pays. Son arrestation n’est pas vraiment passée inaperçue même si elle est loin d’être la seule ; il faut rappeler que chaque jour des dizaines de personnes sont arrêtées dans le cadre de rafles menées au nom de la lutte anti-terroriste. Mais l`arrestation d`un président de barreau n’est pas banale et les avocats de nombreuses juridictions dans le pays ont cessé le travail pour protester contre cet état de fait, estimant que cette arrestation était tout simplement illégale. Au tribunal, hier, les co-présidents du petit parti pro-kurde HDP et des cadres du parti CHP étaient venus manifester leur soutien à M. Elçi.
Des rumeurs évoquant la suspension des élections
Officiellement, à ce jour, les élections anticipées sont toujours maintenues au 1er novembre, même si des rumeurs insistantes évoquent toujours la possibilité de suspendre le processus électoral. A ces rumeurs une bonne et unique raison : le fait que tous les sondages annoncent une nouvelle défaite pour l’AKP au pouvoir qui se retrouverait à nouveau en situation de chercher à constituer une coalition dont on sait qu’il ne veut pas. Les résultats du scrutin devraient être sensiblement équivalents au verdict des urnes en juin dernier, ce qui promet un nouveau blocage politique.
Les analystes évoquent donc deux possibilités : soit que le gouvernement pousse le Haut conseil électoral à suspendre l’élection en raison de nouvelles décisions de déplacement de bureaux de vote, mesure déjà jugée illégale par cette instance ; soit que le gouvernement invoque l’état de guerre en raison d’un incident frontalier par exemple. Et, à l’appui de cette thèse, ils notent que régulièrement ces derniers temps les militaires et les responsables politiques du pays utilisent le mot de « guerre ».