Mais "les réfugiés ne connaissent pas le système d`apprentissage en alternance", la principale voie d`entrée dans la vie active, plébiscitée par la quasi-totalité des employeurs allemands, des boulangeries aux multinationales, déplore Meike Al-Habash, responsable de formation professionnelle à la chambre de commerce et d`industrie de Berlin.
Alors que le débat national sur l`intégration enfle, jetant une ombre sur la politique de la main tendue de la chancelière Angela Merkel, chambres de commerce et agences pour l`emploi multiplient les initiatives visant à sensibiliser les réfugiés en âge de travailler à l`impératif d`une qualification, sur un marché du travail très regardant sur la formation et les diplômes.
Mais "dans de nombreux cas", les migrants ont "d`autres priorités" que de se former, regrette Jürgen Wursthorn, porte-parole de l`Agence fédérale pour l`emploi à Nuremberg (sud). "Il n`est pas rare que les jeunes arrivent en Allemagne en s`imaginant gagner rapidement de l`argent pour l`envoyer à leur famille", sans parler de ceux "qui doivent rembourser des dettes colossales aux passeurs", explique-t-il.
Ceux-ci choisissent souvent un métier non qualifié qui leur assurera une source immédiate de revenus, plutôt que de s`engager dans un apprentissage, contraignant et faiblement rémunéré.
Ils `se leurrent
"Ceux qui optent pour cette solution de facilité se leurrent", martèle Conrad Skerutsch, directeur de l`organisme public FRAP de développement du marché du travail à Francfort (sud-ouest).
"Seuls 5 à 10% des demandeurs d`asile" ont un niveau de formation suffisant pour s`insérer sur le marché du travail dans l`année qui suit leur arrivée en Allemagne, estime M. Skerutsch.
Et pour les jeunes réfugiés, souvent "extrêmement motivés" qui relèvent le défi du sacro-saint apprentissage en entreprise, en alternance avec des cours théoriques, le chemin est semé d`embûches, pointe M. Wursthorn.
"Environ 50% de nos réfugiés en apprentissage abandonnent leur formation en cours de route", indique Rudolf Baier, porte-parole de la chambre de l`artisanat (HWK) de Munich, qui chapeaute quelques 23.000 apprentis en alternance, dont près de 500 jeunes demandeurs d`asile.
Ce taux d`échec reste deux fois plus élevé que la moyenne, mais est en net recul, depuis que la HWK a créé en septembre deux postes d`accompagnateurs et des cours spécifiques pour soutenir les jeunes migrants au long de leur cursus.
Principal obstacle à leur réussite: "la langue, la langue, la langue", martèle M. Baier, car "pour beaucoup d`entre eux, les examens écrits sont trop difficiles" à cause de leur maîtrise insuffisante de l`allemand.
Mais l`artisanat bavarois a actuellement 5.500 postes d`apprentis non pourvus, et "les réfugiés pourraient combler ce manque", estime-t-il.
Le risque du chômage
La situation est plus compliquée pour les migrants plus âgés. Malgré leur expérience professionnelle antérieure, nombre d`entre eux "n`ont aucune qualification, aucun certificat", relève Achim Dercks, directeur adjoint de la Fédération des chambres de commerce et d`industrie (DIHK). Ils courent le risque de se retrouver au chômage, comme 20% des actifs sans qualification en Allemagne.
Plusieurs solutions sont envisagées pour eux, notamment l`apprentissage à temps partiel, un cadre déjà prévu pour les jeunes mères, ou des stages plus souples, avec un certificat à la clé.
"Tout est encore en phase de test", résume M. Dercks, soulignant que "dans le meilleur des cas, au minimum 5 ans" d`efforts attendent les réfugiés pour réussir leur insertion professionnelle.
Une étude réalisée en 2014 par l`Agence fédérale pour les migrants et les réfugiés (BAMF) et publiée lundi étayait ce propos: sur les 2.800 demandeurs d`asile étudiés, tous arrivés en Allemagne entre 2007 et 2012, seuls 37% avaient un emploi au moment de l`étude, et 23% touchaient une allocation chômage.
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