Accusée de laxisme, la Chine sévit contre les manipulations génétiques

  28 Février 2019    Lu: 746
Accusée de laxisme, la Chine sévit contre les manipulations génétiques

Accusée de laxisme, la Chine prépare des sanctions contre les francs-tireurs de la génétique après la naissance fin 2018 de deux bébés OGM, dont les capacités mentales pourraient être supérieures à la moyenne, selon une étude.

Le généticien chinois He Jiankui a provoqué un tollé en novembre en annonçant qu'il avait réussi à altérer l'ADN de deux nouveau-nés afin de les rendre résistants au virus du sida.

En réponse, une nouvelle réglementation dévoilée mardi prévoit de classifier "à haut risque" les manipulations génétiques, avec des amendes pouvant atteindre 100.000 yuans (13.000 euros) à la clé.

Un savant qui percevra "des revenus illicites" à la suite de recherches non autorisées sera pénalisé à hauteur de 10 à 20 fois les revenus en question. Il encourt aussi une suspension à vie "si les circonstances sont graves".

Les modifications réalisées sur des embryons à des fins de reproduction sont illégales dans de nombreux pays mais la Chine ne dispose pas de loi dans ce domaine. Une brève réglementation du ministère de la Santé, datant de 2003, interdit bien la manipulation génétique d'embryons mais ne prévoit aucune peine pour les contrevenants.

Pris par surprise par l'annonce de la naissance des jumelles OGM, Pékin avait déjà sévi à l'encontre du professeur He, qui fait l'objet d'une enquête policière. Ses travaux ont été suspendus.

Les enquêteurs ont affirmé le mois dernier que le savant basé à Shenzhen (sud) "recherchait la gloire" et avait utilisé ses "propres fonds" afin de mener à bien son projet.

Il a "contrefait des documents de vérification éthique" et "délibérément échappé à toute supervision", selon la même source.

- Un super cerveau ? -

Mais un dossier déposé en novembre par son équipe au Registre national des essais cliniques cite un organisme scientifique de Shenzhen, financé par des fonds publics, en tant que bailleur de l'expérimentation. L'organisme en question a apporté un démenti à ce sujet.

Les travaux du généticien chinois ont consisté à éliminer dans l'embryon un gène, appelé CCR5.

Selon une étude réalisée aux Etats-Unis, la disparition de ce gène pourrait avoir doté les deux jumelles d'un super cerveau.

"Certains aspects des fonctions cognitives, y compris la mémoire longue, ont pu être renforcés par la mutation du CCR5 chez les jumelles", déclare à l'AFP le neurobiologiste Alcino Silva, qui a dirigé l'étude à l'Université de Californie à Los Angeles.

L'équipe du professeur Silva a découvert en 2016 que le gène en question était lié à la mémoire et à l'apprentissage chez la souris.

Sa nouvelle étude, parue la semaine dernière dans la revue Cell, montre aussi que les personnes chez lesquelles le gène CCR5 est naturellement absent se remettent plus rapidement d'une attaque cérébrale.

Miou Zhou, professeur à l'Université occidentale des sciences de la santé en Californie, confie à l'AFP avoir été "choqué" par l'annonce des manipulations génétiques du professeur He, de nature à attiser les craintes d'apparition d'un nouveau type d'humains super intelligents.

- 'Très dangereuse' -

"Cela fait longtemps que j'étudie l'impact du CCR5 sur les fonctions cognitives de la souris. Je me souviens que ma première réaction a été : pourquoi donc a-t-il choisi le CCR5 pour créer les premiers bébés OGM?", témoigne le professeur Zhou.

Au cours d'un sommet sur le génie génétique l'an dernier à Hong Kong, le professeur He a reconnu qu'il était au courant du lien potentiel entre le gène CCR5 et l'intelligence, établi par ses confrères Silva et Zhou deux ans plus tôt.

"Je connais leurs recherches, cela requiert davantage de vérifications", avait-il déclaré en réponse à une question. "Je suis contre les manipulations génétiques à des fins d'amélioration" des capacités humaines, avait-il assuré.

Le généticien s'était alors dit "fier" de ses travaux et avait révélé qu'une deuxième femme était enceinte à la suite de manipulations similaires.

Pékin a annoncé que cette femme ainsi que les deux fillettes, prénommées Lulu et Nana, seraient placées sous suivi médical.

"Il n'y avait aucune raison de faire subir à ces deux bébés une procédure médicale inédite et potentiellement très dangereuse qui peut modifier leur existence", dénonce le professeur Silva.

Par AFP


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