Les autorités de Bichkek se montrent particulièrement nerveuses car le nombre de Kirghizes attirés par l’EI ne faiblit pas, bien au contraire. En un an, « nous avons mis au jour 266 nouveaux cas de recrutement et de déplacement de nos citoyens vers les zones de conflit armés en Syrie et en Irak », a précisé M. Rakhmanov, selon des propos rapportés par les agences russes et kirghizes. Avant même la publication de ces données, le président kirghize, Almazbek Atambaïev, a pris les devants en réclamant une « loi pertinente » qui permettrait de « priver de telles personnes de leur nationalité ».
« Le problème n’est pas qu’ils soient partis, le gros problème est qu’ils reviennent », a-t-il lancé. Lors d’une conférence de presse le 24 décembre 2015, le chef de l’Etat, membre d’un parti social-démocrate élu en 2011, avait ainsi pris en exemple le projet du président François Hollande de retirer leur citoyenneté française aux binationaux condamnés pour actes terroristes : « La France, après une série d’attentats terroristes, va modifier sa Constitution et confisquer la nationalité des citoyens passés du côté du terrorisme. Nous aussi devons mettre des barrières devant ces citoyens même si, aujourd’hui, nous n’en avons pas le droit selon la Constitution. Il est nécessaire de penser à la sécurité nationale. »
« Il faut lutter non seulement contre l’EI, mais aussi contre l’ignorance en matière de religion », avait ajouté le dirigeant de cette république à majorité musulmane sunnite. L’intervention russe en Syrie, commencée le 30 septembre 2015 par des frappes aériennes, ajoute à l’agitation. « J’espère que la Russie choisit bien ses objectifs en Syrie, a déclaré M. Atambaïev, sinon les terroristes vont revenir par l’Afghanistan et le Tadjikistan, et personne n’est à l’abri d’actes terroristes. » La fusillade au Daghestan du 31 décembre 2015, dans le Caucase russe, (un mort, onze blessés) revendiquée pour la première fois par l’EI, n’a pas contribué à apaiser les esprits. « Comme tous les Etats d’Asie centrale, le Kirghizistan est menacé et son président cherche à gagner en popularité en se posant en défenseur de la lutte contre le terrorisme, analyse Alexandre Choumiline, le directeur du centre d’analyse des conflits au Moyen-Orient à Moscou. Or, si en Europe, la déchéance de la nationalité pose un problème politique délicat, en Asie centrale, ce peut être une question purement technique. »
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