Produire des tomates aussi pimentées que le piment rouge lui-même : c’est l’objectif d’une équipe de l’université de Viçosa, au Brésil, qui détaille son projet dans la revue Trends in Plant Science. Pour cela, ils comptent réveiller des gènes endormis de la tomate pour lui faire fabriquer des capsaïcinoïdes, le composé chimique à l’origine du goût piquant du piment.
Si la tomate pimentée intéressera certainement les fabricants de sauce et de ketchup, l’objectif des chercheurs est tout autre : la capsaïcine présente en effet de nombreux intérêts thérapeutiques. Elle est, notamment, utilisée comme analgésique (dans des crèmes, par exemple) et anti-inflammatoire. Certaines études ont montré que le piment pouvait induire une perte de poids, améliorer la digestion et même avoir un effet préventif sur certains cancers (poumon et prostate). La capsaïcine est également l’ingrédient actif du gaz poivré employé dans les manifestions et les sprays d’auto-défense.
Piment et tomate, deux anciens cousins
Il faut savoir que le piment (espèce Vulgaris), d’un point de vue botanique, est un lointain cousin, séparé de la tomate, il y a 19 millions d’années. Il partage avec celle-ci, cependant, une grande partie de son patrimoine génétique. « La tomate possède, en réalité, tous les gènes nécessaires pour fabriquer les capsaïcinoïdes, mais ils sont «silencieux» dans la tomate », explique Agustin Zsögön, le principal auteur de l’article.
Deux procédés sont envisagés pour activer leur expression. Le premier fait appel aux activateurs transcriptionnels nommés TALE (transcriptional activator-like effectors), une suite de protéines sécrétées par des bactéries qui a déjà montré son efficacité pour l’activation de certains gènes impliqués dans la biosynthèse des capsaïcinoïdes. La deuxième possibilité repose sur la technique CRISPR-Cars9, des « ciseaux génétiques » qui permettraient d’insérer des promoteurs génétiques codant la transcription des gènes inactivés. Tout cela reste pour l’instant à l’état de théorie ; les chercheurs reconnaissent qu’ils n’ont aucune idée sur l’efficacité et le niveau de capsaïcinoïdes que l’on pourrait ainsi obtenir. Ces méthodes ont néanmoins fait leurs preuves dans de précédentes études et les chercheurs les jugent prometteuses.
La voie de biosynthèse simplifiée de la capsaïcinoïde dans le piment. © Emmanuel Rezende Naves et al, Trends in Plant Science, 2019
Et pourquoi pas des tomates… à la vanille ?!
Mais quel est l'intérêt de cultiver des tomates modifiées plutôt que d'utiliser simplement du piment ? « Le piment est très peu productif et difficile à cultiver, il est aussi très sensible aux conditions climatiques et aux maladies », atteste Agustin Zsögön. La tomate, à l’inverse, pousse rapidement. Sa productivité est 36 fois supérieure à celle du poivron et elle peut être cultivée sous serre, toute l’année.
Au-delà des capsaïcinoïdes, les chercheurs envisagent de transformer la tomate en « mini fabrique » de différentes substances, comme la bixine, un colorant alimentaire orange, ou du betacarotène, un puissant antioxydant. Interrogé par le magazine PopScience, Allen Van Deynze, biogénéticien à l’université de Davis de Californie, envisage, quant à lui, une tomate capable de produire… de la vanille. En effet, les capsaïcinoïdes sont dérivés de la vanilline et utilisent donc la même voie de synthèse à l’intérieur de la plante. Or, la vanille naturelle est extrêmement rare et chère (près de 1.000 euros, le kg). Le ketchup à la vanille, la saveur de demain ?
Source: Futura Sciences
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