Dans la plupart des cas, ces auteurs d`attaques n`ont pas été en contact direct avec l`état-major du califat auto-proclamé qui se contente de les revendiquer après coup et s`assure ainsi d`une expansion et d`une présence accrue à peu de frais, précisent-ils.
«Dès le début, l`EI avait proclamé son intention de devenir un mouvement jihadiste global», explique à l`AFP Michael Kugelman, de l`institut de réflexion Woodrow Wilson Center à Washington. «Jusqu`à récemment il s`était concentré sur la gestion de son califat en Irak et en Syrie. Mais comme il commence à y perdre du terrain, il adopte une approche plus globale».
Et d`ajouter: «La grande question, après les attentats de Jakarta (revendiqués par l`EI) et d`autres menés dans le monde au cours des derniers mois, est : ces militants ont-ils été directement envoyés par l`EI ou n`ont-ils été qu`inspirés par le groupe ?».
Comme tous les experts interrogés par l`AFP, Michael Kugelman estime que, dans la plupart des cas, l`EI se contente pour l`instant, grâce à une renommée mondiale entretenue sur internet, de revendiquer à postériori des actions menées par des individus ou des groupes qu`il inspire mais ne dirige pas directement.
«Au point où nous en sommes», ajoute-t-il, «je pense que pour la plupart il s`agit de militants mécontents, qui combattaient au sein d`une organisation différente et qui sont attirés par ce qu`ils considèrent être une cause plus dynamique».
Ainsi en Afghanistan et au Pakistan, par exemple, des groupes se réclamant de l`EI ont soudain fait leur apparition au cours des derniers mois, revendiquant des attaques ou posant sur internet sous la bannière noire des jihadistes.
Vide de pouvoir et anarchie
«Il s`agit de groupes dissidents qui adoptent ainsi une nouvelle identité», explique à l`AFP l`expert pakistanais Hasan Askari, spécialiste de la mouvance radicale. «L`idéologie extrémiste de l`EI, le salafisme intégriste, était déjà présente au Pakistan. Ceux qui les rejoignent, en quête de cette nouvelle identité, peuvent n`avoir aucun lien direct avec l`état-major de l`EI».
«Contrairement à Al-Qaïda, dont les chefs étaient au Pakistan et en Afghanistan, rien ne permet d`affirmer que des chefs de l`EI se sont rendus pour cela dans ces deux pays».
Si l`auteur de l`attaque contre le supermarché Hyper Cacher à Paris en janvier 2015, Amédy Coulibaly, a enregistré, avant de passer à l`action, un testament dans lequel il plaide allégeance au «calife Ibrahim», chef de l`EI, l`enquête toujours en cours a montré qu`il n`avait été en contact avec l`organisation qu`en visionnant sa propagande postée sur internet.
«Et en Indonésie», ajoute Michael Kugelman, «il n`y avait aucune trace, avant les attaques de jeudi à Jakarta, d`une présence formelle de l`EI. C`est nouveau. Ces groupes qui rejoignent l`EI savent qu`en brandissant son drapeau noir sur internet, ils vont devenir plus effrayants, vont obtenir plus d`attention, et c`est ce qu`ils recherchent».
Si l`EI a enregistré, et accepté, l`allégeance de groupes constitués dans huit pays, et déclaré qu`il s`agissait de «provinces» (en Algérie, Nigeria, Libye, Egypte, Arabie Saoudite, Yémen, Afghanistan et Pakistan), il a dirigé ou inspiré en 2015, selon un décompte établi par l`Institute for the Study of War, des attentats ou des attaques dans au moins dix-sept pays, provoquant la mort d`un millier de personnes.
En Afrique, l`expansion la plus rapide a actuellement lieu en Libye, où les groupes ralliés à l`EI profitent du vide de pouvoir et de l`anarchie régnant dans le pays pour se renforcer, en lorgnant sur les réserves pétrolières.
«Mais il ne faut pas oublier que le Sahel est une région très perméable, et c`est une inquiétude majeure pour le continent», confie à l`AFP Peter Pham, du centre de réflexion Atlantic Council à Washington. «Et pour ce qui est de Boko Haram au Nigeria, qui est désormais la +province africaine+ de l`EI, s`il n`y a pas de trace de contacts opérationnels, on a remarqué une véritable sophistication dans ses tactiques et sa propagande».
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