Guatemala: deuil et résignation dans la famille d'une fillette morte en rétention aux Etats-Unis

  16 Décembre 2018    Lu: 959
Guatemala: deuil et résignation dans la famille d

Devant une maison en bois et feuilles de palmier au Guatemala, Claudia montre l'arbre sur lequel aimait grimper sa fille, morte aux Etats-Unis à l'âge de 7 ans quelques heures après son arrestation avec d'autres migrants par des garde-frontières américains.

"Je ressens de la douleur et de la tristesse après la mort de ma fille", confie à l'AFP Claudia Maquin devant son logement précaire à San Antonio Secortez, village reculé de la commune indigène de Raxruhá, à 150 km environ au nord de la capitale Guatemala City.

C'est de là, de cette région aux routes de terre, sans électricité ni eau ni égouts, qu'est partie le 30 novembre Jakelin Caal avec son père Nery, âgé de 29 ans. Ils ont quitté leur communauté maya pour les Etats-Unis, parcourant une partie du chemin en autobus.

Le 6 décembre, ils ont traversé la frontière sud des Etats-Unis au niveau du désert du Nouveau-Mexique. Ils se trouvaient dans un groupe de 163 migrants, comptant de nombreux mineurs, qui se sont rendus volontairement aux garde-frontières américains. Après son long périple, la fillette a commencé à vomir dans le bus qui la transporte vers le centre de détention. A son arrivée, environ une heure et demie plus tard, son père a signalé qu'elle ne respirait plus. Elle est morte le 8 décembre d'un choc septique à l'hôpital d'El Paso au Texas.

Claudia a 27 ans et ne parle pas espagnol, mais le maya-q'eqchi'. Son beau-père Domingo, 61 ans, qui aide à traduire ses propos, souligne qu'en tant qu'agriculteurs ils gagnent à peine six dollars par jour.

Elle se souvient que son mari Nery, accablé par la pauvreté et le manque de perspectives dans la région où la plupart subsistent de la vente de maïs, avait pris la décision de migrer.

Selon des données gouvernementales, 59% de la population guatémaltèque est frappée de pauvreté mais le pourcentage est plus élevé encore dans les communautés indigènes.

- Parti "par nécessité" -

"Il est parti par nécessité", raconte Claudia, les pieds nus et tenant dans ses bras Angela, six mois, la cadette des quatre enfants du couple. "Quand il est parti, il a dit qu'il allait chercher du travail pour nous soutenir tous".

La mort de Jakelin a été révélée jeudi soir par le quotidien américain Washington Post et de nombreuses voix se sont élevées pour demander pourquoi les autorités étaient restées muettes pendant une semaine.

Son décès a suscité un profond émoi, alors que près de 15.000 mineurs non accompagnés sont détenus dans des structures d'accueil sous-dimensionnées aux Etats-Unis.

Le débat est vif aux Etats-Unis sur la politique de "tolérance zéro" contre l'immigration illégale prônée par le président américain Donald Trump qui veut ériger un mur à la frontière mexicaine. Les autorités américaines ont ouvert une enquête administrative sur le décès de la fillette et ses conclusions seront rendues publiques.

"C'est vraiment douloureux, c'est très douloureux, mais que pouvons-nous faire? Ce qui s'est passé est passé, mais ça fait mal", dit Domingo, résigné après la mort de sa petite-fille.

Vêtu d'une chemise bleue usée, Domingo explique qu'elle "sautillait de joie" en partant pour les Etats-Unis, portée par le rêve de vivre ailleurs et de travailler à l'avenir pour aider sa famille.

"Avant son départ, elle a dit à sa maman et sa grand-mère qu'en grandissant elle pourrait travailler et rapporter de l'argent pour elles", se souvient-il. Son fils avait choisi d'emmener la fillette "parce que l'enfant restait toujours collée à lui".

Les autorités guatémaltèques ont proposé à la famille de Jakelin de procéder aux formalités de rapatriement et l'ont informé parallèlement que le père avait été remis en liberté avec un permis spécial des autorités migratoires américaines.

Selon l'oncle de Jakelin, José Caal, les autorités ont indiqué que le processus pour rapatrier le corps de la fillette pourrait durer trois semaines. "J'espère que nous recevrons l'aide promise", ajoute José, entouré d'autres membres de la famille.

AFP


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