Lancé le 26 novembre 1948, ce tout premier appareil photo instantané s'appelle le Modèle 95. Celui-ci pèse 2 kg, coûte 90 dollars (79 euros) et demande une minute de patience pour une impression d'image dans les tons sépia.
L'histoire raconte que c'est la fille de 3 ans d'Edwin H. Land, fondateur américain de l'entreprise Polaroid en 1937 - spécialisée alors dans les verres polarisants - qui lui donne l'idée d'inventer un appareil photo instantané. En effet, celle-ci ne comprend pas qu'il faille attendre aussi longtemps le développement d'un cliché alors que la photo vient d'être prise.
LE SUCCÈS DANS LES ANNÉES 70-80, AVANT UNE LIQUIDATION EN 2008
Il faudra malgré tout patienter jusqu'aux années 1970 et 1980 pour que le Polaroid, et son format carré caractéristique, connaissent un succès planétaire. Durant cette période, précisément à partir de la sortie en 1977 du Polaroid OneStep, la marque écoule chaque année 13 millions d’appareils et 50 millions de films. Les plus grands noms de l'art, de la mode ou de la photo se l'arrachent : Andy Warhol, Karl Lagerfeld, Helmut Newton... L'apparail Polaroid fait même plusieurs fois la une du renommé Time Magazine aux Etats-Unis, qui le sacre élément de pop culture dans les années 1980.
Mais cette success-story se heurte à l'arrivée dans la décennie suivante des premiers appareils photos numériques. Face à la possibilité donnée par ces derniers de faire des dizaines de photos sans souci de qualité, le Polaroid et ses films onéreux tombent en désuétude. Les ventes s'effondrent. Résultat : deux dépôts de bilan, en 2001 et 2004. La seconde banqueroute est fatale à l'entreprise, qui est liquidée en 2008.
UNE REPRISE PAR DES FANS DE LA MARQUE
C'est alors qu'une dizaine de fans de la marque - dont des ex-salariés et des investisseurs - tentent un pari un peu fou : racheter le dernier site de fabrication qui vient de fermer, à Enschede dans l'est des Pays-Bas, afin de relancer l'entreprise. Preuve que l'idée est assez insensée, ils baptisent leur nouvelle société «The Impossible Project» («Le projet impossible»), rappelant la fameuse série de films avec Tom Cruise («Mission impossible»).
«Nous sommes partis de zéro ou presque. Réapprendre à fabriquer des films en noir et blanc a nécessité deux ans. Pour la couleur un an de plus a été nécessaire», explique Andy Billen, le directeur de l'usine. Finalement, au bout de neuf longues années, le tour de force est réussi : la photo instantanée argentique est de retour au sein du site de production d'Enschede.
UN POLONAIS À LA TÊTE DE L'ENTREPRISE DEPUIS L'AN DERNIER
C'est à ce moment-là, au courant de l'année 2017, que l'entreprise est reprise à 100 % par un industriel polonais, Slawomir Smolokowski, - l’un des associés de l’aventure «Impossible» -, bien décidé à lui faire retrouver sa grandeur passée. Il nomme son fils, Oskar, seulement 27 ans, à la tête de l’activité photo. The Impossible Project devient alors Polaroid Originals.
La firme revient à ses premières amours, comme en témoigne la sortie en septembre 2017 du OneStep 2, une réédition plus musclée du OneStep de 1977, qui avait fait la renommée de la marque. «La notoriété était toujours forte et il y avait une attente transgénérationnelle», indiquait l'an dernier à LCI David Sylla, directeur marketing Europe de Polaroid Originals.
UN PETIT POUCET FACE À SON RIVAL FUJI
Mais pas question pour l'entreprise de rester bloquée dans le passé. En août dernier, la société a lancé le modèle OneStep+ (à 159 euros), dont des réglages manuels (peinture de la lumière, contrôle de l’appareil avec déclencheur à distance, retardateur...) pouvaient pour la première fois être effectués via une application.
Selon Oskar Smolokowski, interrogé par Le Monde en septembre, Polaroid Originals est à présent bénéficiaire, et connaît une forte croissance de ses ventes en Europe et aux Etats-Unis. Mais l'entreprise refuse de communiquer des chiffres précis. Ce qui est sûr, c'est que la marque est encore très loin du leader du marché, le Japonais Fuji et son Instax, qui cannibalise 90 % des parts de marché du secteur, alors que Polaroid Originals doit pour l'instant se contenter de quelque 5 %.
Cnews
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