Comment conduire un robot sur Mars

  12 Novembre 2018    Lu: 739
Comment conduire un robot sur Mars

A 126 millions de kilomètres de la Terre, seul sur l'immensité rouge et froide de Mars, un robot de la taille d'un petit 4x4 se réveille, peu après le lever du soleil. Comme tous les jours depuis six ans, il attend ses instructions.

Vers 9H30, heure de Mars, le message, parti de Californie un quart d'heure avant, arrive: "Avance de 10 mètres, tourne à 45 degrés, et continue de façon autonome jusqu'à tel point". Curiosity s'exécute, lentement --35 à 110 mètres par heure, pas plus. Ses batteries et d'autres contraintes limitent son périple quotidien à une centaine de mètres. Le record absolu est de 220 mètres.

Une fois arrivé, ses 17 caméras photographient les alentours. Son laser taquine les roches. Il fore dans une pierre particulièrement alléchante pour en prélever quelques grammes.

Et vers 17H00, heure locale, il va attendre que l'un des trois satellites de la Nasa en orbite autour de Mars passe au-dessus pour que son rapport soit téléchargé: plusieurs centaines de megabits, relayés ensuite vers les grandes antennes terrestres de ses maîtres humains.

- Un laboratoire miniature -

Au rez-de-chaussée du bâtiment 34 du centre spatial Goddard de la Nasa, à Greenbelt, à une heure de Washington, dans une grande pièce sans fenêtre encombrée d'instruments et d'ordinateurs, des scientifiques guettent chaque jour ces données. Ils cherchent des indices de la vie sur Mars.

A l'intérieur de Curiosity se trouve "une merveille de miniaturisation": un laboratoire chimique de la taille d'un four à micro-ondes, baptisé SAM.

Charles Malespin, chef adjoint de l'équipe scientifique de Curiosity, désigne des instruments sur les plans de travail: les mêmes ont été réduits et compactés à l'intérieur du rover.

"C'est l'instrument le plus compliqué jamais envoyé par la Nasa sur une autre planète", dit Charles Malespin, qui consacre sa vie professionnelle depuis 2006 à cet instrument.

SAM analyse les échantillons en les chauffant dans un four jusqu'à 1000°C. En cuisant, les roches et terres libèrent des gaz. Ces gaz sont alors séparés et envoyés dans des instruments qui les analysent et dessinent une "empreinte" de l'échantillon.

A Goddard, Maeva Millan, postdoctorante française, compare cette empreinte chimique à celles d'expériences réalisées ici sur des molécules connues. Quand les courbes s'imitent, elle peut dire: "ah, c'est ma bonne molécule".

Maeva Millan, postdoctorante à la Nasa, travaille sur les données envoyées par l'instrument SAM du rover Curiosity, qui explore Mars depuis 2012. Photographie le 9 octobre 2018 au centre spatial Goddard à Greenbelt, dans le Maryland (AFP - Ivan Couronne)C'est grâce à SAM que l'on sait qu'il y a des molécules organiques complexes sur Mars. Et qu'on a pu dater la surface de la planète, beaucoup plus jeune géologiquement que ce que les scientifiques croyaient.

"Si on veut aller sur Mars, c'est inutile d'emporter des ressources qui s'y trouvent déjà", ajoute Charles Malespin, comme de l'eau. "On pourrait creuser le sol, le chauffer et libérer de l'eau, il suffit d'emmener un four et on a autant d'eau qu'on veut", dit-il. Idem pour divers matériaux qui pourraient être transformés en carburants pour une future "station service pour fusées".

- Pas de joystick -

De l'autre côté des Etats-Unis, au Jet Propulsion Laboratory à Pasadena, près de Los Angeles, se trouvent la quinzaine de femmes et d'hommes qui conduisent Curiosity.

"Mon moment préféré de la journée est lorsque je m’assois pour regarder les images envoyées depuis Mars", raconte par téléphone Frank Hartman, qui a conduit Curiosity et un autre rover, Opportunity, tombé en panne en juin. "Je me dis alors que je suis la première personne sur Terre à voir ces photos."

Le travail des conducteurs est d'écrire la séquence de commandes pour le prochain sol, ainsi qu'est nommé le jour martien, qui dure 24 heures et 40 minutes. Il n'y a pas de joystick, ni de communications en temps réel.

C'est donc en décalé que les conducteurs découvrent d'éventuels problèmes: le quasi-ensablement d'Opportunity; les trous percés par des roches dans les roues de Curiosity; ou la panne de sa foreuse cette année, résolue au bout de trois mois.

"Il faut garder à l'esprit que nous ne savons presque rien sur cet endroit", dit Frank Hartman.

Au fil des années, les scientifiques et conducteurs s'attachent à leurs robots. Quand Opportunity est tombé en panne, après 14 ans de vadrouille, Frank et ses coéquipiers ont ressenti comme un deuil.

"Il a pris sa retraite avec les honneurs", dit Frank Hartman.

Quant à Curiosity, son compteur indique 19,75 km depuis 2012. Il devrait atteindre d'ici un an son objectif, le Mont Sharp. Quelques mois plus tard, il perdra son monopole martien. Deux rovers américain et européen devraient atterrir sur la planète en 2020.


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