Cologne, Mein Kampf et les tabous allemands

  11 Janvier 2016    Lu: 597
Cologne, Mein Kampf et les tabous allemands
Les incidents de Cologne, avec ses 170 plaintes de femmes victimes de violences sexuelles collectives, constituent un redoutable test nerveux pour le nationalisme racial allemand, mis sous le boisseau depuis 1945. Cet épisode a l’intérêt de placer au centre du débat la question du déni et des tabous – c’est un sujet freudo-lacanien au fond – au moment même (ironie de l’Histoire!) où les librairies allemandes vont mettre en vente la première réédition de Mein Kampf depuis la défaite du Reich.
Les incidents de Cologne, avec ses 170 plaintes de femmes victimes de violences sexuelles collectives, constituent un redoutable test nerveux pour le nationalisme racial allemand, mis sous le boisseau depuis 1945. Cet épisode a l’intérêt de placer au centre du débat la question du déni et des tabous – c’est un sujet freudo-lacanien au fond – au moment même (ironie de l’Histoire!) où les librairies allemandes vont mettre en vente la première réédition de Mein Kampf depuis la défaite du Reich.

Parler de Cologne sans tabou

On s’amusera d’abord des monstrueuses contradictions des féministes à propos des incidents de Cologne.

Anne-Cécile Mailfert, par exemple, président d’Osez le féminisme, a osé affirmer sans rire: « La manipulation nationaliste des crimes de Cologne est dangereuse pour les femmes. »

Ainsi va le bobo parisien. Quand un Français « gaulois » tient des propos machistes, c’est un horrible exploiteur qui mériterait dix ans de bagne, quand un millier de migrants investit un centre ville pour se livrer à des exactions en bande organisée, c’est une manipulation nationaliste. L’incapacité de mettre des mots sur la réalité, cette mise sous le tabou des événements qui dérangent, est la caractéristique même de la pensée unique qui favorise la radicalisation politique.

Au passage, la pitoyable Anne-Cécile Mailfert a le mérite de montrer comment le tabou de la pensée bobo est indissociable d’un complotisme mal assumé. Remettre en cause la tyrannie des minorités en s’avouant qu’il y a au moins autant d’ordures chez les migrants que chez les autochtones, que le fait d’appartenir à une minorité ne suffit pas à transformer un coupable en victime, n’est évidemment pas possible. Si certains faits nous y contraignent, c’est forcément parce qu’il s’agit d’un coup monté de ceux qu’on n’aime pas: les nationalistes, les extrémistes, les homophobes, les mysogines,… la liste évolue au gré des complots.

Toute la difficulté du temps présent, sur l’affaire de Cologne comme sur bien d’autres, est d’arriver à mettre des mots sur les choses, à violer les tabous en quelque sorte.

Quand un attentat est commis au nom d’Allah, on n’a pas le droit de dire que le terrorisme musulman tue (puisque, vous comprenez, ce ne sont pas des musulmans qui ont fait ça). Quand, selon la police, au moins un millier d’Arabes et de Maghrébins verrouillent le quartier de la cathédrale de Cologne pour passer des centaines de femmes à la casserole, on n’a évidemment pas le droit de dire que, dans la représentation musulmane, une femme qui n’est pas voilée est perçue comme une prostituée qui ne mérite pas le respect.

Et pourtant, c’est un fait: les Musulmans n’ont majoritairement pas de respect pour les femmes qui ne sont pas voilées, sauf lorsqu’ils ont accepté d’entrer dans un processus d’assimilation des valeurs indo-européennes.

Cologne et le tabou allemand du viol collectif

Dans le cas allemand, l’aventure est encore plus piquante, puisque l’histoire du nationalisme allemand est étroitement liée au viol collectif. Les Français sont assez éloignés de ces contingences, mais l’Allemagne (et spécialement la Prusse) vit toujours sous le fait d’un terrible tabou: en 1945, l’Armée Rouge s’est livrée à des viols massifs sur les femmes allemandes, qui payaient ainsi les 20 millions de morts infligés, souvent dans des conditions atroces, à l’Union Soviétique par leurs maris. Les historiens affirment notamment que la moitié des Berlinoises a fait l’objet de ce traitement dégradant au moment de l’occupation de la ville.

Traduit en 2006 en français sous le titre: Une femme à Berlin, le récit de Martha Hillers est très éclairant sur ce traumatisme longtemps occulté du fait de la défaite et des crimes nazis.

Mêlant lucidité et cynisme à une précision rigoureuse, Marta Hillers y rend compte, jour après jour, des viols qu’elle subit comme si elle-même n’en était pas l’objet. Comme si la glace qui envahit son corps au moment où il est violenté habitait le récit en entier.

Les viols qui ont eu lieu à Cologne (et dans d’autres villes allemandes) font évidemment écho à cette histoire qui continue à nouer les tripes teutonnes: l’occupant étranger constitue une menace collective pour les femmes allemandes, mais le dénoncer est un crime de nationalisme insupportable.

A Hambourg, 50 plaintes ont été déposées dont 38 pour des agressions sexuelles. A Düsseldorf, 40 femmes se disent également victimes. Le scénario est souvent le même : des groupes d’hommes apparemment arabes ou nord-africains les encerclent, parfois à 20 ou 30. Munich, Stuttgart, Berlin, Nuremberg et Francfort ne sont pas épargnées.

On voit bien comment l’opinion allemande balance entre dénoncer le crime au risque d’assumer les vieux démons, ou proscrire ces vieux démons en niant le crime.

Cologne et la fin du tabou allemand

L’ironie de l’Histoire veut que ces incidents extrêmement graves, qui ont mis la police en difficulté, surviennent au moment où Mein Kampf fait l’objet de sa première réédition depuis 1945. Les pages de l’histoire collective se tournent parfois de façon plus criante et polémique qu’on ne croit.

Dans la pratique, et contrairement à ce qui est souvent dit ou imaginé en France, les Allemands ne sont pas du tout au clair avec leur héritage nazi.

Officiellement, bien sûr, tout cela est de l’histoire ancienne. En réalité, derrière l’apparent sommeil nationaliste allemand, les démons sont toujours prêts à ressurgir. Il faudrait être naïf pour croire que vingt ans d’exacerbation égotiste collective ancrée dans les profondeurs de l’esprit germanique peuvent être rayés d’un trait de plume.

Jusqu’ici, le nationalisme allemand post-1945 a eu le bon goût de s’exprimer de manière détournée. Par exemple, l’obsession nazie de la pureté a trouvé un utile dérivatif dans l’idéologie des Grünen, et l’anti-libéralisme viscéral du peuple de la forêt s’est longtemps exprimé dans l’anti-américanisme des pacifistes allemands. Contrairement à ce que les Français croient, la résurgence nationale allemande s’est plus facilement faufilée, après 1945, dans les discours de la gauche allemande (notamment alternative) que dans ceux de droite (même s’il faut ici accorder une mention spéciale à la CSU, dont le militant de base est difficile à distinguer du petit propagandiste de la race aryenne sous le format 1932).

La question qui se pose au moment où l’Allemagne remet en vente officielle Mein Kampf et au moment où l’arrivée brutale d’un million de migrants non-Européens constitue un choc pour le pays, est de savoir si le nationalisme allemand continuera à prendre des chemins détournés pour s’affirmer, ou si les Allemands vont l’assumer comme tel. Autrement dit, les incidents de Cologne sont-ils le début d’un processus qui va transformer l’offre politique allemande et favoriser l’émergence des Pegida et de l’Alternative für Deutschland?

Nous le saurons dans les prochains mois, mais, à coup sûr, la prise de risque incommensurable pour l’Europe qu’a constitué l’appel à un million de migrants de la part d’Angela Merkel se transforme de plus en plus en bombe à retardement pour le nationalisme tudesque.

Cologne et les tabous français

Les incidents de Cologne n’ont pas seulement un impact en Allemagne. Ils interrogent aussi les bobos français toujours prompts à nier chez les autres ce qui leur semblent évidents chez les Français. Répétons-le: alors que la sélection du festival de la BD à Angoulême donne lieu à des généralisations hâtives sans aucun complexe (tous les amateurs de BD sont machistes, c’est bien connu), oser dire que la culture musulmane est misogyne pose en revanche un problème insupportable.

Les raisons de ce problème sont bien connues: l’homme blanc incarnant la majorité dominante est forcément taxable de tous les maux, en revanche l’homme maghrébin est un ancien colonisé, en position de faiblesse, qu’il est exclu de critiquer même lorsque, d’une ville à l’autre, le même mode opératoire regroupant les mêmes segments de population montre qu’il ne s’agit pas d’un accident individuel mais d’un fait collectif.

Le sujet qui se pose est évidemment celui de la riposte possible à l’infériorisation de la femme dans la culture musulmane. Il ne s’agit pas de dire que tous les musulmans sont des violeurs potentiels. Il s’agit de reconnaître que l’Islam a un problème massif avec le statut de la femme, et que le moment vient de le traiter de façon claire et déterminée.

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