Un dessin de Serena Williams ravive les accusations sur l'Australie "raciste"

  14 Septembre 2018    Lu: 657
Un dessin de Serena Williams ravive les accusations sur l

Sous bien des aspects, l'Australie pourrait être une publicité pour le multiculturalisme. Mais une caricature controversée de Serena Williams a ravivé les accusations selon lesquelles la société est minée par un racisme invétéré.

L'Australie pourrait être l'idéal de la diversité: un Australien sur deux a un parent né à l'étranger. Le pays connaît la croissance depuis 27 ans. L'insécurité est à peine un sujet. Melbourne et Sydney sont en bonne place des classements des endroits où il fait bon vivre.

Dans n'importe quelle ville moyenne de l'immense île-continent, on constate que l'Australie est l'illustration même du melting pot, mélange de Neo-Zélandais, de Chinois, d'Irlandais, de Philippins, de Britanniques, de Vietnamiens, d'Italiens, d'Indiens, de Grecs ou de Libanais.

Mais cette diversité ethnique, culturelle et linguistique contraste singulièrement avec la réputation qui colle à la peau de l'Australie, celle d'un pays de blancs arqueboutés sur le passé.

Ce contraste s'est retrouvé dans les réactions au dessin d'un caricaturiste australien représentant une Serena Williams aux grosses lèvres et à l'allure masculine : aux dénonciations scandalisées à l'étranger a répondu un haussement des épaules généralisé en Australie.

Après la publication de la caricature de la star américaine de tennis, un éditorial de CNN a présenté l'Australie comme étant "le pays raciste le plus sympa qui existe". Le New York Times a tonné que "l'Australie ne s'était jamais complètement confrontée à sa propre histoire de racisme".

Nombre d'Australiens reconnaissent qu'il y a un problème.

Le souvenir de colons européens en train de terroriser les communautés aborigènes reste prégnant et les inégalités entre les deux groupes sont abyssales.

- Exagération -

Les insultes racistes fusent régulièrement. La politique migratoire discriminatoire dite de "l'Australie blanche" n'a été démantelée que dans les années 1970. La politique d'immigration actuelle extrêmement dure, avec des clandestins relégués dans des îles du Pacifique, contribue aussi à écorner l'image du pays à l'étranger.

Mais bon nombre d'Australiens jugent aussi que le problème est exagéré.

"Une partie de la société australienne est raciste", reconnaît John Blaxland, professeur de sécurité internationale à l'Université nationale australienne. "Mais il y en a dans tous les pays. Citez-moi un pays où il n'y en a pas".

L'Australie moderne, "c'est une vibrante société multiculturelle" qui intègre près de 200.000 migrants chaque année, ajoute-t-il.

A ses yeux, "l'Australie est une success story! Les gens meurent d'envie de venir ici, au propre comme au figuré. Pourquoi est-ce un endroit si désirable? Ce n'est pas parce que c'est un endroit raciste".

Certains spécialistes jugent que le durcissement de la vie politique et la montée en puissance des médias de droite contribuent à donner l'impression d'une société qui serait socialement aveugle et sourde.

Pour Duncan McDonnell, professeur à l'école d'administration de l'Université Griffith, la décision dans les années 1990 du Parti libéral (conservateur) de faire siens les messages de la droite dure a fait passer les préjugés dans le langage courant.

Des personnalités comme la populiste Pauline Hanson, autrefois marginalisée, voient leurs idées se retrouver au centre du débat politique.

- "Monétisation du racisme" -

La stratégie des conservateurs était "d'abattre le messager tout en volant une partie de son message", estime le professeur McDonnell.

"Ils ont commencé à devenir explicitement durs sur l'immigration et sur des questions relatives aux Aborigènes et indigènes du détroit de Torrès".

Comme ailleurs, la stagnation des salaires a contribué à amplifier ce type de message, également porté par les médias conservateurs, Sky News ou des journaux comme le Herald-Sun, lequel a publié deux fois le dessin de Serena Williams.

Les deux sont la propriété du magnat Rupert Murdoch et, à l'instar de ses médias aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, ils canalisent et renforcent les sentiments populistes.

L'ancien commissaire chargé de la discrimination raciale Tim Soutphommasane, dénonce une "monétisation du racisme", accusant ces médias d'avoir adopté une ligne dure comme modèle économique censé contrebalancer la chute de l'audience.

"Il suffit de voir la réaction du Herald-Sun pour comprendre comment ça marche. On surfe sur le scandale, on en fait sa une et ça fait deux jours de couverture", déclare-t-il à l'AFP.

Néanmoins, les données de l'Université nationale australienne montrent que les Australiens sont devenus bien plus tolérants qu'avant au cours des 30 dernières années. Les enquêtes d'opinion réalisées depuis 1987 sur des sujets comme les populations indigènes et les demandeurs d'asile montrent que les mentalités se sont considérablement assouplies.

M. Soutphommasane le reconnaît. Si le racisme est un problème grave, les médias et la classe politique australiens qui attirent autant l'attention "ne reflètent pas le caractère multiculturel" du pays.


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