Afghanistan: les talibans cherchent à peser par une offensive hivernale inédite

  06 Janvier 2016    Lu: 729
Afghanistan: les talibans cherchent à peser par une offensive hivernale inédite
L`offensive hivernale inédite des talibans afghans dénote une volonté d`asseoir leur position avant des négociations avec Kaboul, qui s`est accompagnée d`attaques pakistanaises visant à faire capoter un rapprochement entre Islamabad et New Delhi, estiment des experts.
L`insurrection talibane connaît habituellement un répit pendant le rude hiver afghan, avant une flambée au printemps. Mais cette année, un nombre sans précédent d`attaques ont secoué l`Afghanistan en décembre, notamment à Kaboul, touchée par trois attentats depuis vendredi.

Certains voient dans la poursuite de ces offensives la détermination du nouveau dirigeant des talibans, le mollah Akhtar Mansour, de consolider sa position avant des pourparlers quadripartites entre l`Afghanistan, le Pakistan, les Etats-Unis et la Chine. Cette rencontre prévue la semaine prochaine est destinée à préparer la reprise du dialogue entre le gouvernement afghan et les insurgés islamistes.

D`après Ahmed Rashid, fin connaisseur des talibans, Mansour est probablement en train d`assurer sa main mise sur le pouvoir par des attaques de haute volée, après avoir été blessé en décembre lors d`une fusillade entre commandants talibans rivaux.

«Nous n`avons jamais eu une telle offensive hivernale de la part des talibans. Cela va se poursuivre sans interruption jusqu`à l`offensive du printemps et de l`été», a-t-il indiqué à l`AFP.

«Cela me semble très dangereux. Mansour consolide sa position, s`il est considéré comme source de réussite militaire, alors (les talibans) lui resteront fidèles».

«Le succès militaire ôte toute légitimité à la faction anti-Mansour qui est en train d`émerger» dit-il en référence à la formation cet automne d`une faction dissidente ne reconnaissant pas l`autorité du mollah Mansour.

«Les insurgés sont en train d`essayer de prouver au monde entier qu`ils sont actifs dans le pays, pour obtenir plus de concessions lors des pourparlers», renchérit Dawlat Waziri, porte-parole du ministère de la Défense.

Mais le Pakistan -- considéré comme un des rares pays exerçant une influence sur les talibans -- joue également un rôle dans les violences, soulignent des analystes.

«Les talibans n`ont pas l`autorité de prendre des décisions sur les pourparlers, ils sont contrôlés par d`autres», assène Zalmay Wardak, un expert basé à Kaboul, faisant allusion au Pakistan.

Dernièrement, le Pakistan a officiellement ré-orienté sa politique en Afghanistan, désavouant le recours à des combattants par procuration tels que les talibans, pour parvenir à ses fins en matière de politique extérieure en Afghanistan, où Islamabad est accusé de combattre l`Inde par groupes armés interposés.

Islamabad et Delhi ont récemment décidé de relancer les pourparlers de paix. Le premier ministre indien Narendra Modi a rendu une visite surprise au Pakistan en décembre, la première d`un chef de gouvernement indien en 11 ans, dans la foulée d`une visite en Afghanistan.

Mais deux attaques spectaculaires contre des intérêts indiens pendant le week-end pourraient être le signe que certains éléments au sein de la puissante armée pakistanaise cherchent à faire capoter ce rapprochement, estime un expert pakistanais.

Le consulat indien de Mazar-i-Sharif, une ville du nord afghan, a été attaqué et assiégé pendant plus de 24 heures, tandis que dans le nord de l`Inde, une base aérienne militaire a été la cible samedi et dimanche d`une offensive revendiquée par une coalition de groupes islamistes pro-pakistanais.

«L`attaque en Inde et la montée des violences en Afghanistan peuvent être analysées comme les fruits d`une seule et même stratégie», suggère Khadim Hussain, un analyste politique basé dans la ville pakistanaise de Peshawar, tout en soulignant que rien n`indique que cette stratégie est approuvée au plus haut niveau.

Les observateurs au Pakistan estiment quasi-impossible que la rencontre significative entre le Premier ministre et son homologue indien le mois dernier ait pu avoir lieu sans l`aval de la hiérarchie militaire, considérée comme principale autorité en matière de sécurité et de politique extérieure.

Mais selon M. Hussain, l`attaque contre la base indienne et les offensives en Afghanistan semblent indiquer que certains éléments au sein de l`armée pakistanaise ne soutiennent pas les négociations.

Ces attaques «sont programmées, voulues, et le résultat immédiat est qu`ils cherchent à faire dérailler le processus de paix», estime-t-il.

Arif Rafiq, un chercheur pakistanais au sein du Middle East Institute, nuance: «il est plausible que les extrémistes responsables de ces attaques reçoivent des consignes de la part d`éléments militaires pakistanais, mais il est aussi assez possible qu`ils agissent de leur propre initiative, pour essayer de s`arroger un droit de veto sur le rapprochement indo-pakistanais».

La lutte d`influence régionale que se livrent Islamabad, Delhi et Kaboul risque de continuer à alimenter l`insurrection qui secoue l`Afghanistan depuis 15 ans, avertit M. Rashid.

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