"Les Huit Salopards" de Quentin Tarantino: la déception est totale

  30 Décembre 2015    Lu: 939
"Les Huit Salopards" de Quentin Tarantino: la déception est totale
Trois ans après l’excellent "Django Unchained", Quentin Tarantino reste dans le registre du western et situe l’intrigue des "Huit Salopards", en salles le 6 janvier 2016, quelques années après la Guerre de Sécession. L’occasion de convoquer Kurt Russell, Bruce Dern, Samuel L. Jackson et consort dans des aventures malheureusement trop statiques et insipides.
Au cœur des montagnes de l’Ouest américain se tient (de guingois) une auberge tout en bois couinant. Laquelle, prisonnière d’une tempête de neige paralysante, a vu converger en son sein huit authentiques salopards. De part en part des lieux, dont la porte centrale se lamente sous les assauts du vent, se dressent le chasseur de primes John Ruth (et sa prisonnière Daisy Domergue), le Major Marquis Warren, Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock, le confédéré, le mexicain, le cowboy et le court-sur-pattes. Une galerie de personnages sortis tout droit de l’esprit débridé de Quentin Tarantino qui, après avoir empoigné le western sur Django Unchained, persiste et signe dans ce sillon en s’inspirant de séries des sixties telles que Bonanza ou The Virginian.

Avec Les Huit Salopards, dont le scénario avait fuité l’an dernier, le maestro opère une indiscutable révolution artistique, sans changer grand-chose à sa patte. Tout ce qui fait le sel de son cinéma –des dialogues amples, un soin formel signifiant (formidable photographie), de la violence disséminée ici-et-là…– est en effet perceptible sur chaque parcelle de l’écran. A un détail près : l’absence de fun. Pourtant ambassadeur de la hype, chantre du cool, distributeur officiel de séquences cultes, QT n’est jamais apparu aussi sérieux, inamical et poisseux. Un changement d’humeur qui se matérialise jusque dans la BO composée par Ennio Morricone, dont les airs à cordes évoquent le cinéma d’horreur (Carpenter n’est pas loin).

Un spectacle frustrant

Paré de personnages équivoques qui avancent (toujours) masqués, jouant vicieusement avec les apparences, le réalisateur américain se sert du huis clos pour faire saillir une forme de gravité qu’il semblait avoir longtemps lyophilisée, voire refoulée, dans ses habituelles boutades pop. Il renait ainsi sous des traits plus pessimistes, faisant de cette mercerie paumée un shaker sanguin à retardement, un espace où il distille des problématiques très actuelles –racisme envers les Noirs, violence faite aux femmes (Jennifer Jason Leigh prend très cher), abus d’armes, etc.

Si son approche demeure audacieuse à bien des égards, avec notamment l’emploi de l’Ultra Panavision 70mm, on regrettera son hermétisme. En cause ? Une mise en place interminable –le film dure près de 3 heures– bâtie autour d’un blabla sans intérêt ; des héros caricaturaux, partiellement incarnés et peu attachants ; des problématiques larvées. En somme : un cocktail peu détonnant qui s’étale sur les deux-tiers du labeur avant d’ouvrir un boulevard à une débauche complaisante et perverse, sur fond de suspense aussi peu éclatant qu’une mauvaise partie de Cluedo. De ce jeu de massacres nait un sentiment mâtiné de frustration et d’incompréhension. Osons le mot : déception !

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