L`océan plus chaud que jamais

  28 Décembre 2015    Lu: 978
L`océan plus chaud que jamais
Sécheresses, tempêtes et aussi hausse de la température des océans... Un signe de plus de l’accélération du réchauffement climatique, qui sera au centre des discussions à la COP21 en décembre à Paris.
Absorbeur et modérateur

Dès le mois d`avril, l`administration américaine pour l`océan et l`atmosphère prédisait que la température de l`océan pourrait atteindre un record en 2015. Et cette prédiction s`est réalisée. Durant la période allant de janvier à novembre, la surface de l`océan a été 0,72°C plus chaude que la moyenne du XXe siècle et sa température a atteint un record depuis 1880.

En fait, l`océan absorbe plus de 90% de l`excès de chaleur lié aux rejets de CO2 par les activités humaines. Il absorbe également le quart de nos émissions de CO2 et reçoit la totalité de l`eau résultant de la fonte des glaciers et des calottes polaires. C`est dire le service inestimable qu`il nous rend en modérant le changement climatique.

Les trois dangers

Mais pour l`océan, tout cela a un prix : il se réchauffe, son acidité augmente, il perd de l`oxygène et son niveau monte. Ce scénario a déjà été observé dans le passé géologique lorsque l`activité volcanique a rejeté de grandes quantités de CO2 dans l`air. Chacune de ces perturbations a été marquée par des extinctions massives, de très nombreuses espèces n`ayant pu s`adapter à ces changements alors qu`ils étaient très lents (milliers à dizaines de milliers d`années). Or il nous a fallu moins de Deux cents ans pour bouleverser l`équilibre de l`océan.

Les travaux du Giec montrent qu`il y a déjà des effets spectaculaires avec des phénomènes de mortalité massive dans les récifs coralliens et sur notre côte méditerranéenne, ainsi qu`un déplacement de nombreuses espèces vers les pôles. Certaines d`entre elles se sont déplacées de 20 à 400 km par décennie. Les herbiers dans les latitudes moyennes et les ptéropodes (zooplancton dont se nourrissent saumons et autres poissons) sont aussi touchés.

Le risque sur la pêche

Les impacts futurs dépendront de la quantité de CO2 que nous rejetterons dans l`atmosphère. Dans le cas d`un scénario limitant la hausse de la température globale de la planète au-dessous de 2°C, le risque d`impact d`ici à la fin du siècle est élevé sur les récifs coralliens et les bivalves (huîtres, moules) dans les latitudes moyennes, mais resterait modéré sur les autres organismes. En revanche, si l`on ne fait rien, le risque sera élevé à très élevé sur toutes les plantes et animaux que nous avons étudiés, y compris sur le krill et les poissons.

Les conséquences sur les services rendus par l`océan suivent le même schéma. Dans le cas de fortes émissions de CO2, la sécurité alimentaire serait affectée dans les tropiques car la pêche artisanale, source essentielle de nourriture, d`emploi et de revenus pour des millions de personnes, serait très sérieusement affectée.

Ces impacts du réchauffement, de l`acidification et de la montée du niveau de la mer se cumuleront avec ceux de la dégradation des habitats, de la pollution et de la surpêche. L`étendue des risques fait qu`aucun pays n`est à l`abri des conséquences, qui dépassent largement le traditionnel clivage nord-sud.

L`océan s`invite à la COP21

Afin d`éviter un scénario catastrophe, il n`y a qu`une solution durable et efficace : limiter nos rejets de CO2. Or l`océan, traditionnellement peu évoqué lors des négociations internationales sur le climat, a été très présent lors de la récente conférence climat (COP21).

D`une part, le préambule de l`Accord de Paris mentionne l`importance de préserver les écosystèmes marins. D`autre part, l`objectif de poursuivre les efforts afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C est une réelle surprise pour beaucoup d`observateurs. Cette mention a été faite à la demande des petits États insulaires, très inquiets des dommages à venir sur leurs récifs coralliens, la pêche ainsi que sur l`inondation et l`érosion de leurs côtes. Dernier élément de succès : la signature par 22 pays de la déclaration "Because the Ocean" qui a pour objectif central de mettre les océans au cœur des négociations internationales sur le climat et parmi les objectifs de développement durable des Nations unies.

Quelques collègues océanographes ont exprimé une certaine déception sur l`ambition et les modalités de l`Accord de Paris. Je ne partage pas leur point de vue. Il a fallu attendre vingt ans pour enfin avoir un texte universel et équilibré sur la lutte contre le changement climatique . Nous étions sur une trajectoire de +4 à 5°C et l`objectif est maintenant 1,5 à 2°C. C`est un progrès considérable qui pourrait préserver la plupart des organismes marins et les services qu`ils nous rendent. Mais si l`accord de Paris fournit un cadre et une méthode et si les solutions existent pour atteindre ses objectifs, la décarbonisation de notre système énergétique va être difficile et coûteuse.

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