Technologie sous-jacente au bitcoin et autres monnaies virtuelles, la blockchain consiste en une "chaîne de blocs" de transactions chiffrées. Une sorte de livre de comptes décentralisé, car tenu par tous les acteurs qui y ont accès, mais réputé inviolable: car plus la chaîne s'étend, plus elle contient de maillons qu'il faudrait briser et remplacer auprès de tous les acteurs en même temps.
L'engouement pour cette technologie a déjà gagné de nombreux secteurs d'activité allant de la finance à la logistique, de l'industrie agroalimentaire à l'énergie en passant par le transport aérien.
En santé, elle commence aussi à faire l'objet de projets pilotes pour analyser des données de santé, garantir la sécurité de dispositifs médicaux et gérer des dossiers électroniques de patients.
"Il est possible de multiplier à l'infini ses applications et de l'utiliser pour conduire des essais cliniques, accélérer l'approbation de nouveaux traitements, réduire les risques de contrefaçon et renforcer la transparence des coûts", s'est récemment enthousiasmé le géant pharmaceutique français Sanofi dans une note sur le sujet.
- Respecter le droit à l'oubli -
Aux Etats-Unis, IBM Watson Health travaille depuis plus d'un an avec l'agence américaine du médicament, la FDA, pour élaborer un système d'échange de données de santé sécurisé, efficace et évolutif à partir de la technologie blockchain.
Toujours avec IBM, les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), critiqués pour la gestion de plusieurs cas d'infection au virus Ebola aux Etats-Unis en 2014, planchent sur un système basé sur la blockchain qui permettrait d'assurer un meilleur suivi épidémiologique en cas de nouvelle crise sanitaire.
En Europe, le projet MyHealthMyData conçoit quant à lui un modèle de blockchain pour la santé compatible avec le nouveau règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD), applicable depuis ce vendredi dans l'Union européenne.
"Nous ne stockons dans la blockchain que des liens vers les informations, et non les informations elles-mêmes", précise à l'AFP David Manset, coordinateur de MyHealthMyData et directeur de be-studys, filiale de recherche-développement de be-almerys, gestionnaire de flux de tiers-payant pour des organismes de complémentaire santé.
Financé à hauteur de 3,5 millions d'euros par l'UE et disposant de nombreux partenaires, dont l'allemand Siemens, MyHealthMyData vise en priorité à faciliter l'accès, la mise à disposition et le partage de données de santé dans le cadre d'essais cliniques, dont les tâches administratives absorbent actuellement "80% du temps des chercheurs", selon M. Manset.
Mais comment concilier les droits des personnes à disposer de leurs données, dont le "droit à l'oubli" consacré par le RGPD, avec la blockchain dont l'intérêt réside justement dans l'immuabilité et la mémoire permanente de tous ses maillons?
MyHealthMyData propose une parade: si une personne souhaite effacer définitivement ses données de la chaîne, les liens vers ses informations pourront être rompus, mais sans pour autant briser la chaîne dans son ensemble. "Les maillons concernés resteront en place, mais deviendront amorphes", explique M. Manset.
- La cerise sans le gâteau -
Bien qu'elle soit associée par beaucoup à l'image sulfureuse des cryptomonnaies, "nous voyons plutôt la blockchain comme un rassembleur de tiers de confiance", ajoute-t-il.
Anca Petre, cofondatrice de 23 Consulting, jeune cabinet de conseil spécialisé sur le potentiel de la blockchain en santé, voit toutefois mal une adoption rapide et à grande échelle de cette technologie dans le secteur.
"Il faudrait pour cela disposer de données 100% numériques et de logiciels interopérables" chez tous les acteurs, ce qui est très loin d'être le cas aujourd'hui, explique-t-elle à l'AFP.
Il s'annonce par ailleurs difficile de fédérer tous les acteurs d'un secteur aussi vaste et sensible que celui de la santé.
"Le premier enjeu, c'est de mettre tout le monde d'accord", ce qui "mettra du temps", prévient ainsi Luca Comparini, responsable blockchain chez IBM France, interrogé par l'AFP au salon Vivatech à Paris.
"La blockchain, c'est la cerise sur le gâteau. Mais il faut faire le gâteau avant", résume Mme Petre.
AFP
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