Arménie: 30.000 manifestants à Erevan, plus de 200 interpellations

  21 Avril 2018    Lu: 2377
Arménie: 30.000 manifestants à Erevan, plus de 200 interpellations

Quelque 30.000 personnes, selon des journalistes sur place, ont manifesté vendredi à Erevan où la police a procédé à plus de 230 interpellations, au huitième jour de protestations contre la nomination de l'ex-président Serge Sarkissian au poste de Premier ministre.

Arborant des drapeaux arméniens et des pancartes "Sarkissian est un dictateur", les manifestants ont à nouveau défilé dans les rues de la capitale, Erevan, et tenté de bloquer la circulation en s'allongeant sur la chaussée. Des véhicules ont été utilisés pour barrer certaines rues, les automobilistes klaxonnant en signe de soutien aux manifestants.

"La corruption et l'injustice étouffent ce pays. Il faut donner des pots-de-vin aux fonctionnaires, au service des impôts... On ne peut plus supporter ça. C'est Sarkissian qui a créé cette situation", estime un manifestant, Moucheg Khatchatrian, 52 ans, au chômage.

Un porte-parole de la police arménienne a indiqué à l'AFP que plus de 230 personnes ont été arrêtés à Erevan alors que la deuxième ville du pays, Gioumri,a été également le théâtre de manifestations.

"Nous sommes soutenus par 80% des gens et le temps est venu pour Serge Sarkissian de réaliser qu'il doit partir", a déclaré aux journalistes le principal leader de l'opposition, Nikol Pachinian, avant un nouveau rassemblement vendredi soir.

Au-delà des manœuvres de Serge Sarkissian pour rester au pouvoir après plus d'une décennie au poste de président, les manifestants reprochent à cet ancien militaire de 63 ans de n'avoir pas su faire reculer la pauvreté et la corruption, alors que les oligarques ont toujours la haute main sur l'économie du pays.

Le taux de pauvreté de l'Arménie était de 29,8% en 2016 contre 27,6% en 2008 selon les données de la Banque mondiale, tandis que le Revenu national brut (RNB) par habitant stagnait à 3.770 dollars, une somme quasi identique à celle d'il y a dix ans.

- "Désobéissance pacifique" -

La contestation est menée par le député Nikol Pachinian, 42 ans, ancien journaliste et opposant de longue date qui a brièvement été en prison après avoir déjà pris part à des mouvements de protestation contre Serge Sarkissian en 2008 qui avaient fait 10 morts.

"Le mécanisme que nous utilisons est celui de la désobéissance pacifique", a déclaré M. Pachinian à l'AFP.

"La révolution de velours, ce n'est pas une demande adressée aux autorités mais une action du peuple, qui veut que toutes les instances de l'Etat cessent d'obéir à Serge Sarkissian et passent du côté du peuple, y compris la police", a-t-il ajouté.

Ses appels à la désobéissance civile ne semblent cependant pas avoir rencontré d'écho favorable dans les administrations jusqu'à présent.

De son côté, après une rencontre avec Serge Sarkissian, le chef de l'Eglise arménienne, le catholicos Karékine II, a appelé l'opposition à "résoudre ces questions à la table des négociations et pas dans la rue".

L'Arménie est considérée comme la première nation au monde à avoir adopté le christianisme comme religion d'État, en 301, les leaders de l'Église apostolique arménienne y gardant une influence majeure.

Les manifestations, qui se sont déroulées à Erevan et dans les deux autres principales villes du pays, Gioumri et Vanadzor, n'ont pas empêché les députés de voter, mardi, la nomination de Serge Sarkissian comme Premier ministre.

- "Arrestations arbitraires" -

"Nous respectons le droit des citoyens à se rassembler, mais nous excluons la possibilité d'une démission du Premier ministre", a indiqué aux journalistes le porte-parole du Parti républicain au pouvoir, Edouard Charmazanov.

Dans un communiqué, l'ONG Human Rights Watch a estimé que les "manifestations ne doivent pas être un prétexte aux arrestations arbitraires" de manifestants en Arménie.

D'importants effectifs policiers ont été déployés et les interpellations se sont multipliées ces derniers jours.

Les protestataires accusent Serge Sarkissian, qui vient d'achever son deuxième mandat présidentiel, de s'accrocher au pouvoir après s'être fait élire Premier ministre par les députés.

Alors que la Constitution interdit au président d'effectuer plus de deux mandats, M. Sarkissian avait fait voter en 2015 une réforme controversée donnant l'essentiel des pouvoirs au Premier ministre. L'opposition avait alors condamné cette réforme, craignant que Serge Sarkissian ne la mette à profit pour rester à la tête du pays.

Le nouveau président, Armen Sarkissian - sans lien de parenté avec son prédécesseur - a pour sa part prêté serment la semaine dernière, après avoir été élu par le Parlement début mars, mais il ne dispose que de pouvoirs protocolaires.

Jusqu'à présent, la manifestation la plus importante a eu lieu mardi dernier, avec quelque 40.000 personnes à Erevan. Il s'agissait du plus grand rassemblement de l'opposition de ces dernières années dans ce petit pays du Caucase. (AFP)


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