Cerveau: du plaisir de ne pas aimer les fromages qui puent

  28 Mars 2018    Lu: 1112
Cerveau: du plaisir de ne pas aimer les fromages qui puent

Les fromages qui puent vous dégoûtent ? Et c'est peut-être pour votre plus grand plaisir...

Les mécanismes cérébraux sous-jacents à l'aversion que l'on peut ressentir face à des frometons "qui marchent tout seul" seraient intimement liés au système de la récompense selon une étude - française bien entendu - publiée dans Frontiers in Human Neuroscience. Autrement dit, être dégoûté par l'odeur et la vue d'un fromage dégoulinant procurerait un certain plaisir. L'objectif des scientifiques du Centre de recherche en neuroscience de Lyon et du laboratoire Neuroscience Paris Seine était d'étudier le sentiment de dégoût ; l'aversion étant en effet un élément clé de la survie dans le monde animal.

Si les chercheurs ont choisi le fromage comme support, ce n'est pas pour faire honneur aux 1.600 appellations différentes que compte la France. Mais parce que cet aliment roi dans l'Hexagone est aussi celui pour lequel l'aversion leur semblait la plus fréquente. Une intuition confirmée par un petit test mené auprès de 332 personnes. L'aversion pour le fromage concernait 6% d'entre elles. Loin devant le poisson (2,7%) ou la charcuterie (2,4%). A Sciences et Avenir, quelque chose nous dit qu'ils n'ont pas testé les brocolis... Mais passons, c'est donc le fromage qui a été utilisé comme aliment test de l'aversion, et qui vaut aujourd'hui à ces chercheurs le IgNobel de médecine.

Dialectique cérébrale du plaisir et du déplaisir

Pour étudier précisément ce qui se passe dans le cerveaulorsqu'on ressent une aversion, les chercheurs ont sélectionné 15 personnes appréciant le fromage et 15 autres dégoûtées par l'odeur et la vue du fromage. Ces deux groupes ont été soumis à des tests sous imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), un examen qui permet de suivre avec précision l'activation des réseaux de neurones dans le cerveau. Chacun des groupes a été confronté en même temps à la vue et l'odeur de 6 fromages différents : du bleu, du cheddar, du fromage de chèvre, du parmesan et de la tomme. On est donc bien loin de l'époisses dégoulinante... Les mêmes étaient également mis devant 6 autres aliments courants : concombre, champignon, pâté, cacahuètes, fenouil et pizza. À chaque couple odeur/photo, les participants devaient déclarer leur attirance ou leur aversion pour l'aliment en question et préciser si cela leur donnait envie de manger.

Résultat : le pallidum ventral, cette petite structure qui s'active généralement lorsqu'on a faim, est restée de marbre lorsqu'on présentait du fromage à des personnes n'aimant pas ça. Jusqu'ici rien de surprenant. Mais la surprise des chercheurs est venue du fait que des zones cérébrales impliquées dans le circuit de la récompense (le globus pallidus et la substantia nigra) étaient plus actives chez les personnes qui détestent le fromage que chez celles qui l'apprécient. Autrement dit, que ce système de la récompense essentiel dans la reconnaissance d'un plaisir attendu (pensez à votre petit apéro du vendredi soir par exemple...), était plus actif chez des personnes dégoûtée par le fromage. La logique aurait en effet voulu que ce soit l'inverse. Un étrange paradoxe qui pourrait s'expliquer selon les chercheurs par le fait que ces structures habituellement impliquées dans le traitement de la récompense seraient aussi sollicitées en réponse à un stimulus aversif. Les scientifiques suggèrent ainsi que ces régions cérébrales seraient en fait composée de deux types de neurones avec des activités complémentaires : l'une liée au caractère récompensant d'un aliment, l'autre à son caractère aversif. Une sorte de dialectique cérébrale du plaisir et du déplaisir constatée par l'imagerie de pointe. (Sciences et Avenir)


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