Les Etats-Unis décrètent la fin de l’embargo sur les exportations de pétrole

  19 Décembre 2015    Lu: 831
Les Etats-Unis décrètent la fin de l’embargo sur les exportations de pétrole
C’est un moment historique. Le Congrès a adopté un budget de 1150 milliards de dollars qui lève l’interdiction d’exporter de l’or noir imposée en 1975
Il aura fallu attendre quarante ans. En adoptant un budget fédéral de 1150 milliards de dollars vendredi, le Congrès a dans le même temps levé l’interdiction d’exporter du pétrole mise en place en 1975 pour tempérer les effets du premier choc pétrolier.

Pour le fraîchement élu président de la Chambre des représentants Paul Ryan, permettre aux grandes sociétés pétrolières d’exporter était une priorité. Le vote de vendredi est une victoire pour le républicain et pour l’esprit bipartisan, malmené ces dernières années. Une bonne partie des démocrates et le président Barack Obama ont pourtant longtemps été opposés à une telle mesure. La nécessité d’éviter un nouveau drame parlementaire et un government shutdown (fermeture partielle de l’administration en raison de l’incapacité de voter un budget) a toutefois changé la donne. De plus, la Maison-Blanche et une majorité de démocrates ont trouvé leur compte dans ce compromis budgétaire: en contrepartie, ils obtiennent l’extension des allègements fiscaux pour l’industrie éolienne et solaire qui expiraient à la fin de l’année et l’assurance que les républicains ne bloqueront pas les mesures environnementales majeures prises par l’administration.

Le vote du Congrès met fin à une anomalie. Dans la capitale, on s’étonnait de constater que l’Iran allait pouvoir exporter son pétrole avec la levée des sanctions alors que les Etats-Unis se privaient d’eux-mêmes de cette possibilité.

L’autorisation d’exporter du brut va permettre de désengorger un marché américain qui croule sous le brut. Depuis la révolution des gaz et des pétroles de schistes, la production de pétrole outre-Atlantique a augmenté de 90% depuis 2008, passant de 5 millions de barils par jour à 9,5 millions. Avec 310 millions de barils par jour, la production atteint presque son pic de 1970. Le prix à la pompe s’en ressent. Au Kansas, il faut débourser 1,79 dollars pour un gallon (3,78 litres). Pour les sociétés pétrolières, c’est une bouffée d’oxygène. Acculées par un prix du pétrole qui s’est effondré à moins de 35 dollars le baril vendredi, elles ont dû licencier plus de 35 000 collaborateurs et fermer certains puits.

A court terme, la levée de l’embargo n’aura pas d’impact significatif. Mais à long terme, elle devrait doper la production, provoquer de nouveaux investissements et créer de l’emploi. Le Texas et le Dakota du Nord, les principaux Etats producteurs, respirent. Les désinvestissements ne sont désormais plus à l’ordre du jour. L’industrie manufacturière se frotte aussi les mains. Un rapport de l’Aspen Institute intitulé «Lifting the Crude Export Ban» et publié en 2014 le souligne: la possibilité d’exporter librement du pétrole va permettre au PIB américain de bondir de 165 milliards de dollars entre 2019 et 2021 et à l’économie de créer 630 000 emplois si la production atteignait un pic de 325 millions de barils par jour.

L’interdiction d’exporter n’était pas totale, Washington l’ayant assouplie, notamment vers le Canada. La législation américaine permet aussi d’exporter des produits raffinés dont le volume a plus que doublé en huit ans. A long terme, la fin de l’embargo aura un impact géostratégique. Il va positionner les Etats-Unis comme un acteur majeur sur les marchés internationaux. Difficile d’ailleurs de ne pas voir dans la décision de Washington une manière de riposter à l’Arabie saoudite qui, malgré le très bas prix de l’or noir, continue de produire en quantité pour conserver des parts de marchés et tenter de tuer la révolution énergétique américaine.

La levée de l’embargo irrite toutefois une partie des écologistes. Dans le sillage de la conférence climatique de Paris (COP21), ils estiment qu’elle va inciter les sociétés pétrolières à extraire davantage d’hydrocarbures. Les démocrates qui ont voté en faveur de la fin de l’embargo leur rétorquent que parallèlement, ils ont pu s’assurer un soutien massif pour développer les énergies renouvelables. Quant aux raffineries du nord-est et du Golfe du Mexique, elles craignent faire les frais de cette volte-face.

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