Voitures de luxe: vers la fin de l'hégémonie allemande?

  07 Mars 2018    Lu: 2447
Voitures de luxe: vers la fin de l

Sur le marché des voitures de luxe, les constructeurs allemands font la course largement en tête mais leur prestige pourrait bientôt se révéler insuffisant face à des concurrents de plus en plus nombreux qui misent sur l'électrique pour s'imposer.

 

Volkswagen (avec Audi et Porsche), Daimler (avec Mercedes) et BMW représentent près de 80% du marché premium mondial. Nul n'imagine qu'ils puissent perdre subitement cette position de force, patiemment construite au fil des décennies. Mais l'électrification des véhicules accélérée par le déclin du diesel, ainsi que la demande grandissante pour des voitures intelligentes, créent des conditions nouvelles qui menacent un trio jusqu'ici présumé invincible. 

Au moment où l'image du Made in Germany est égratignée par le scandale des moteurs truqués de Volkswagen. "Les constructeurs allemands ont une position incontestée pour les voitures thermiques, mais Tesla a réussi à devenir numéro un des voitures électriques", commente pour l'AFP Willi Diez, expert de l'Institut pour l'économie de l'automobile (Ifa), basé en Allemagne. 

"C'est un défi de rattraper ce retard pour avoir non seulement une image d'excellence dans l'ancien monde, mais aussi dans le nouveau", ajoute-t-il. "Nous sommes très confiants en allant à Genève", où s'ouvre jeudi au grand public la 88e édition du salon international de l'automobile, affirme pourtant Bernhard Mattes, président de l'association de l'industrie automobile allemande (VDA).

Les constructeurs allemands, qui engrangent des profits record depuis plusieurs années, vont investir 40 milliards d'euros sur trois ans dans l'électrification ainsi que 16 à 18 milliards dans les véhicules connectés et autonomes. 

Prestige et tradition
Les trois géants allemands profitent notamment d'une "position forte sur le marché chinois", le premier marché mondial, toujours en croissance, estime M. Diez. Pour lui, le prestige et la tradition sont la principale force des marques germaniques. "On ne peut pas réduire le premium au produit", explique M. Diez, comparant les constructeurs allemands aux marques françaises de luxe comme Hermes, Chanel ou Vuitton.

"Beaucoup de constructeurs produisent des voitures très qualitatives, mais on ne peut pas bâtir une image de marque si rapidement". Ni Toyota, avec Lexus, ni Nissan, avec Infiniti, ne constituent de vrais rivaux. "Ils essayent depuis longtemps, mais il leur manque les racines et la technologie, contrairement à Jaguar, Land Rover et Volvo", analyse pour l'AFP Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center Automotive Research.

M. Diez note aussi la faiblesse des constructeurs français, "associés à des voitures plus petites". Pour Land Rover et Jaguar "l'histoire, le mythe, l'image reviennent", estime M. Diez. Il leur reconnait un "grand potentiel", ainsi qu'à Volvo, dont le SUV XC40 a été désigné lundi voiture européenne de l'année, une première historique pour la marque suédoise.

Tesla comme Apple
Tesla a pourtant prouvé en une dizaine d'années qu'on pouvait construire une marque à partir de zéro et tailler des croupières aux constructeurs établis, dans une zone tarifaire proche des 100.000 euros. Sur le marché américain, la jeune entreprise américaine a vendu autant de voitures que Porsche l'an dernier. Dans le monde, elle a écoulé 100.000 véhicules en 2017. Son nouveau modèle compact, le modèle 3, commercialisé sous les 40.000 euros, a enregistré des centaines de milliers de commandes.

Mais Tesla peine à assurer la montée en cadence de la production, alimentant les doutes sur sa capacité à livrer. Si la société d'Elon Musk réussit la fabrication en série de ce modèle, alors "c'est un concurrent très sérieux", note M. Dudenhöffer. "La légitimité de Tesla sur le premium se fonde sur la technologie", explique l'expert, "c'est un produit neuf qui fascine, comme un produit Apple". "Tesla est sur le bon chemin car ils ont compris qu'une marque premium est plus qu'une voiture", affirme M. Diez. 

A Genève, ce ne sont pourtant pas les Allemands mais le constructeur britannique Jaguar qui présente une "arme anti-Tesla", avec la I-PACE, sa première voiture électrique. Volkswagen se contente d'un concept, "I.D. VIZZION". Audi doit présenter plus tard cette année un SUV électrique, alors que Mercedes dévoilera le sien "avant la fin de la décennie". "Les Allemands seront dans la course de la mobilité électrique en 2019, 2020", estime M. Dudenhöffer. Mais la concurrence ne les attend pas.


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